« Superfuzz bigmuff » annonçait les tables de la loi du quatuor, un solide concentré de post hardcore, de lourdeur « sabbatienne », et d’énergie « garage ". Mais ce n’était qu’un ep inaugural, une sorte d’appétissant hors-d’œuvre, plus tard réédité (même en version Deluxe) avec d’autres titres sulfureux, dont l’emblématique « Touch me i’m sick ».
89 voit donc l’arrivée du premier album, qui continue dans la voie incendiaire lancée par l’illustre EP. 89 c’est aussi l’invasion « grunge », la première, la meilleure, immortalisée par les sauvages disques de NIRVANA (La boue « melvinienne » de « Bleach ») et de TAD (l’incroyablement violent « God’s balls »). Les médias « rock mainstream » commencent à s’intéresser alors à cette agitation sonique qui se déroule dans la région de Seattle. Le laboratoire est en place, prêt à défier le monde englué dans cet épouvantable « hair metal » polluant MTV, autour de la centrale Sub pop (ni plus ni moins que le meilleur label de la période !) avec les trois « B » gagnants de la sainte trinité : BIG BLACK, BLACK FLAG, BLACK SABBATH.
Alors rétros les MUDHONEY, vu leur admiration sans bornes pour la bande à OZZY ?
Pas tout à fait, car la bande déjantée de Mark Arm est aussi une continuité du punk hardcore, comme peuvent le montrer la plupart des refrains, remplis de morve, du redoutable « Flat out fucked », de « This gift », de « Running loaded ». Celui de « Father i go » rappelle même les hymnes scandés des UK SUBS. Ce côté punk ressort aussi dans certaines compositions, « Flat out fucked » sonne ainsi un peu comme du BLACK FLAG. On entend même des chœurs à la LORDS OF THE NEW CHURCH sur » Come to mind ».
Le quatuor s’inscrit ainsi dans son époque, mais ne renie pas l’héritage du heavy rock stoner « seventies » de bikers crades qui reste palpable sur certaines rythmiques, celles de « Get into yours », de « Running Loaded » (et sa fameuse batterie à la philty animal qui clôt ce dernier) du féroce « Here comes sickness » (avec la wah wah à la Ron Ashton de 1969 ). On aperçoit aussi le spectre de BLUE CHEER derrière les furieux riffs de « This gift ». La même année, d’autres « headbangers sous acides » comme les ultra-stoogiens THEE HYPHOCTICS et les hyper –« hawkwiniens » MONSTER MAGNET jouent à peu près sur le même registre.
Punk metal alors ? Non car le gang incorpore dans ses compos des éléments psychédéliques. Il tend même des perches vers la scène « shoeagaze » qui bat aussi son plein à l’époque avec les vinyles bien « space » de LOOP et autres SPACEMEN 3 (à noter la reprise « borderline » sur le maxi qui paraît au même moment du « revolution » de ces derniers par MUDHONEY). L’énorme « Dead love » montre bien cette synthèse de rock qui doit tout aux Ashtons brothers pour ce riff pompé à « 1969 » de qui vous savez (sinon c’est grave !) mais qui se métamorphose ensuite en délire cosmique comme savaient si bien le faire les MC5 en 68…
Et puis il y a ces ballades bluesy plutôt désespérées et comateuses à souhait démontrant que MUDHONEY poursuit le travail entrepris par des « swamp rockers » comme les SCIENTISTS et les BIRTHDAY PARTY, voire par le GUN CLUB ou par leur pote l'immense BILLY CHILDISH.
Moins bruitiste que « Superfuzz bigmuff », l’album vaut toutefois son pesant de cacahuètes avec deux brulôts en haut du panier , « Here comes sickness » et « Dead love ». Dans tous les cas, il restera toujours dans nos mémoires comme la bande son de nos fiévreuses soirées estudiantines.