Forces Parallèles est un site à vocation encyclopédique. Cela signifie que chaque artiste/groupe doit faire l’objet d’un travail le plus exhaustif possible, du moins en ce qui concerne les sorties officielles. Et inévitablement, le malheureux chroniqueur doit ainsi se coltiner des disques qu’il n’apprécie guère voire déteste. Parfois, il peut aussi s’agir d’œuvres tellement obscures que l’on sait pertinemment que personne ne les connaît ni ne daignera en tenter l’écoute après lecture du papier. Plus rarement encore, un album réunit les deux tares : de l’inconnu total dont tout le monde se contrefiche et que notre infortuné scribouillard essaye tant bien que mal de présenter, alors que lui-même refuse depuis longtemps d’en entendre parler.

Decatur. Le retour des SILVER APPLES. On dirait le titre d’un nanard.

Rappelons-nous bien vite l’histoire. En 1970, après avoir accouché des monstrueux et avant-gardistes Silver Apples et Contact, le duo new-yorkais se voit lâché par Kapp Records, alors en faillite. Un troisième album, The Garden, alors en préparation, ne sortira qu’en 1998. Entre-temps, Simeon et Danny Taylor se sont perdus de vue. Dans les années 90, la redécouverte du groupe par le public et l’intérêt de quelques labels pour son œuvre encouragent Simeon à retenter l’aventure. Danny Taylor étant 'introuvable' aux dires du prince de l’oscillateur, deux nouveaux albums sont donc enregistrés sans lui, en compagnie toutefois de Xian Hawkins et de Michel Lerner.

Et si l’on ne devait garder qu’une de ces deux sorties, c’est sans hésitation que le choix se porterait sur Beacon dont le style se rapproche à l’évidence des premières productions du groupe. Ha ! Pas de chance, aujourd’hui on parle de Decatur. Decatur, c’est-à-dire en latin : le néant, le vide, le plancher océanique, le fond de la grotte. C’est pas vrai, mais on n'a pas trouvé meilleure vanne pour résumer ce quatrième album avec humour.

Les SILVER APPLES ayant été adoubés 'précurseurs du rock expérimental', Simeon a dû se dire que son (clairsemé) public ne devait attendre forcément que ça, de l’expérimental. Et bien vas-y donc qu’on va expérimenter ! Chauffez oscillateurs ! Tournez séquenceurs ! Collages, ô collages ! Hawkins aux claviers, Lerner aux percus ! « Oscillations, oscillations electronic, evocations of sound reality ! »

Decatur ressemble au rejeton d’Electronic Meditation et d’un inoffensif jam de ZOVIET FRANCE, conçu une nuit d’ivresse et bercé trop près du mur. Aucun relief, que du vide. L’ennui mortel. Si ce disque était sorti dans les années 70, on aurait pu se montrer indulgent. Mais pas en 1998, les gars ! Tant d’eau-de-vie a coulé dans les gorges depuis 1969 ! Et la démarche du 'sonner rétro', qui fonctionne bien sur Beacon, trouve carrément ses limites ici. Musique expérimentale et anarchisme ont un sens commun : se défaire des règles établies pour créer autre chose. Mais il ne s’agit en aucun cas de faire n’importe quoi. C’est pourtant l’unique chose que semble avoir retenu notre ami Simeon. Envoyez ! Envoyez ! Envoyez ! Entre deux volutes électroniques balancées au hasard, on devrait bien tenir quelque chose. Quoi donc ? Un mauvais disque sans doute ?

1/5, un album à éviter