On dirait que le vent nouveau du Sud souffle maintenant plus du côté d’Atlanta que de Jacksonville. Certes, la bande à Charlie n’en est pas à son coup d’essai, mais force est de constater qu’elle continue de creuser de plus en plus profondément son sillon dans le southern rock. Et Like An Arrow, le nouvel album, confirme le chemin emprunté par le groupe.
Commençons par balayer les critiques. Surtout la principale émise par les apparatchiks du genre, ceux qui brandissent haut et fièrement la bannière sudiste toujours accrochée au micro de Johnny Van Zant. Les solos ne sont pas assez longs et surtout pas de trace de cette harmonisation des guitares qui a fait la gloire de LYNYRD SKYNYRD et des OUTLAWS.
Déjà, cela date environ de quarante ans, donc on peut légitimement penser que les musiciens souhaitent passer à autre chose. D’autant que si on fait abstraction de cet élément, le groupe sonne diablement sudiste au sens large du terme, pas simplement southern rock.

Le point fort du groupe se situe dans ses compositions, sur des tempos lents ou médium.
Ainsi « What comes naturally » avec le piano fait penser à LYNYRD SKYNYRD mais, attention, celui de la grande époque vu que depuis un bon bout de temps, on n’a rien écouté d’aussi réussi chez eux.
Et ce qui me semble caractériser le son du groupe, ce sont les deux premiers morceaux « Waiting For The Thunder » et « Let It Burn » portés par la voix si spécifique de Charlie, les breaks et les chorus brefs mais incisifs et tranchants des guitares, le tout soutenu par la famille Turner et les nappes d’orgue de Brandon Still qui savent être discrètes mais diablement efficaces.
Et après ce début en fanfare, une superbe intro à la guitare acoustique, pour « The Good Life ». C’est lent, on respire l’air chaud du Sud, on imagine la maison en bois, le thé glacé posé sur la table de la véranda dans l’entrée. Les guitares sont lumineuses. C’est sur ce genre de morceau que Blackberry Smoke démontre qu’il est profondément ancré dans la tradition sudiste, par sa force d’évocation, sa façon de nous transporter, de poser une atmosphère le temps d’une chanson.

Si « What comes naturally » évoque les grandes heures de Lynyrd, « Running through time » baigne dans une atmosphère à la ALLMAN BROTHERS, ce qui n’est pas un mince compliment, comme si Dickey Betts était sorti de sa retraite pour apporter cette petite touche country supplémentaire. Ce ressenti n’est pas innocent car dans « Believe you me », qui termine l’album, on retrouve Gregg Allman en personne (paradoxalement, ce n’est pas le meilleur titre).
“Like An Arrow”, “Ought To Know” et « Workin’ for a workin' man » sont visiblement construits pour la scène, assez punchy avec des passages pour que les musiciens puissent s’exprimer mais finalement c’est assez « classique ».
Enfin, les deux morceaux. « Sunrise In Texas” et “Ain’t Gonna Wait” sont eux aussi très réussis, le premier avec un superbe piano électrique et un solo à la wah-wah qui déboule par surprise, le second dans une atmosphère country-rock (une grosse influence du groupe) avec une mandoline qui peut évoquer Manassas ou Poco.

Blackberry Smoke est un groupe des années 2000, il sait faire habilement et honnêtement la synthèse entre toutes « les musiques du sud ». Si son style est lié sans équivoque au southern rock ; il le dépasse (le transcende ?) pour aborder d’autres genres avec talent et brio.