RADIOHEAD est un groupe réputé pour la qualité de ses albums. Si les orientations artistiques peuvent avoir dérouté, on peut au moins leur reconnaître d'avoir su démontrer de fortes qualités sur l'homogénéité de leur travail concernant chacune de leurs grosses sorties. La raison en est simple, le groupe est plus productif qu'il n'y paraît, et chaque sortie d'album s'est faite au prix de nombreuses chutes de studio n'ayant pas été retenues pour figurer sur les galettes finales.

La discographie de RADIOHEAD, si l'on s'y attarde un peu, est donc émaillée d'E.P et de singles bourrés à craquer de face B inédites, plus ou moins intéressantes, à des prix plus ou moins abordables et, pour le plus grand plaisir des collectionneurs, pas toujours faciles à trouver. L'E.P que les collectionneurs ne cherchent plus depuis longtemps et sans doute le plus intéressant s'incarne dans cette version de My Iron Lung, initialement prévue pour le public australien.

Outre la présence du titre éponyme, à savoir l'un des 'meilleurs' de leur futur 'meilleur' album, on trouve ici les premiers témoignages du groupe d'envergure qu'allait devenir RADIOHEAD. On s’éloigne déjà des débuts immatures où l’on reconnaissait trop facilement quelques influences marquées. On remarque bien sûr les traces indélébiles de U2 ou REM, mais il sera difficile de nier le grand pas en avant effectué sur la touche mélancolique que portent les mélodies. C'est ici que cet E.P prend toute son importance, l'album The Bends n'a pas été un coup d'éclat isolé, puisque déjà le groupe savait dans quelle direction s'orienter : ce mélange de rock et de grunge apparaissait comme une ligne directrice. Le groupe ne s'y trompera pas car la lumière était belle et bien au bout du chemin.

Le seul reproche à l'encontre de My Iron Lung, c'est peut-être sa longueur : trop court pour un album, trop long pour un simple single, on en veut plus, on en aura plus. Pourtant, ce n'est pas la sortie ultérieure de The bends qui éclipsera le riff balançant de "Lewis (mistreated)" ou l'ambiance acoustique déjà si prenante de "Lozenge of Love" (même tarif pour "You Never Wash Up After Yourself", peut-être moins originale). De même, impossible de passer à côté du formidable tunnel de guitares écrasées laissant passer la faible lueur d'espoir de "Permanent Daylight". La version acoustique de "Creep" est quant à elle souvent décriée, ce n'est pourtant pas la façon dont Thom Yorke se lâche de façon libératrice qui me fera acquiescer, je plaide pour ma part en faveur du groupe.

My Iron Lung n'a donc peut-être pas l'aura mystique et le côté très professionnel que seul un album de RADIOHEAD peut se vanter d'émettre. C'est donc à la lumière de son successeur que cet E.P prend tout son sens, l'art de la séduction étant sensiblement le même. L'erreur impardonnable serait d'ailleurs de ne pas écouter cet E.P, pour quiconque a apprécié The Bends. Voilà où se cachent les surplus de génie de ce groupe encore jeune qui n'avait alors pas fini de nous étonner. Et j’espère, alors que le groupe enregistre, à l’heure où j’écris ces lignes, son 7ème album, que cette phrase est encore d’actualité.