L’année 2016 a consacré le TTB avec une tête d’affiche à la Jazz Fest de New Orleans, sept pays visités, un nombre record de tickets vendus, le tout propulsé par un superbe album Let Me Get By. Ce double album, enregistré le neuf septembre 2016, à Oakland en Californie, donne un aperçu des shows de l’année écoulée. C’est en live que le groupe donne sa pleine puissance avec un répertoire qui, au fil des concerts, intègre des morceaux des différents albums mélangés à des reprises de grands classiques. Ainsi des titres comme “Key To The Highway”, “Space Captain”, “With a Little Help From My Friends”, “Something” bien que ne figurant pas dans cette set list sont pourtant joués régulièrement.

Le groupe, composé de douze musiciens, possède une puissance évidente bien structurée autour des deux batteurs et de Tim Lefebvre à la basse, ce dernier ayant apporté de la stabilité au poste de bassiste. Alecia Chakour et Mike Mattison qui sont dans les choeurs chantent également en lead vocal, ce qui permet d’obtenir des tessitures de voix différentes. Certes l’axe principal est constitué par Derek et Susan. On ne présente plus le guitariste blond, certainement le plus doué de sa génération, époustouflant à la slide, inventif dans ses improvisations. Derek a été « obligé » d’endosser le rôle de patron et on imagine que faire jouer onze autres musiciens n’est pas chose facile. Susan continue de progresser tant par son jeu de guitare que par l’étendue de son registre vocal. Pas évident d’assumer le lead vocal avec une telle puissance musicale derrière tout en jouant de la guitare.

Force est de constater que Derek s’éloigne de plus en plus de la musique jouée avec l’Allman Brothers Band pour proposer une synthèse des musiques du Sud, (soul, funk, blues, jazz, et un poil de country). Ce qui vient tout de suite à l’esprit est une sorte de revue soul comme dans les sixties. Mais une revue sérieusement relookée, et emmenée sur un tempo endiablé par un guitariste de génie. « Crying Over You” illustre à merveille ces propos avec les chœurs, la voix de Susan, le groove des cuivres et les envolées de Derek. Et puis toujours la flûte de Kofi Burbridge, instrument assez peu usité dans ce genre de musique, qui donne une coloration quasi-bucolique parfois (« I Want More”).

Retour aussi aux sonorités indiennes avec Alam Khan un musicien du Bangla Desh qui introduit et joue du sitar dans « These Walls ». On se souvient que le Derek Trucks Band avait exploré cette musique dans plusieurs compositions, Derek étant, comme John Mclaughlin, passionné par les sonorités indiennes. Très sincèrement, ce n’est pas mon morceau préféré. Par contre, des titres comme « Anyhow », « Let Me Get By », « Don’t Know What It Means” s’imposent incontestablement comme des classiques qui structurent les shows (on pourrait citer également « Midnight in Harlem » absent ici mais toujours un grand moment du concert). Et quel groupe peut jouer dans un même concert des titres de Miles DAVIS (« Ali »), de Léonard COHEN (« Bird On The Wire »), de George HARRISON (« Within You, Without You ») sans que l’auditeur non averti ne le soupçonne ?

Ce live ne fait que confirmer une certitude. Ce groupe possède un énorme potentiel, et il peut encore progresser. A ce niveau de qualité, on ne lui trouve pas vraiment de concurrents tant la musique est dense, construite, inspirée, mélange de sérieux et de folie, d’énergie et de feeling entre hommage aux anciens (le « Soul Sacrifice » de Carlos SANTANA ou le « Within You, Without You » des BEATLES) et compositions personnelles déjà évoquées, on approche la perfection.