Vois-tu, ce disque je n’ai même plus besoin de l’écouter pour l’avoir parfaitement en tête. Malgré tout, chaque minute passée avec lui me transporte encore. Et crois-moi, j’en ai passé des minutes avec lui. Des heures, voire des jours. Je pense que c’est l’album que j’ai le plus écouté de ma vie. C’est un peu chez moi, un peu ma maison. Je peux même dire que j’en connais les défauts. Certes, les persiennes en sont un peu usées et quelque chose dans la toiture ne me convient pas complètement. Mais l’essentiel n’est pas là. L’essentiel, c’est que, définitivement, j’y suis bien !

Pourtant, ça aurait pu ne pas être celle-là. Je me rappelle mes toutes premières visites. J’étais trop jeune, ça ne m’avait pas interpelé. Encore trop bourrin pour moi. Je ne sais plus vraiment à quel moment ni pourquoi ça a bousculé, mais ensuite je me revois en train de saisir la moindre occasion de l’écouter, en solo dans ma chambre ou en collectif. Tout le monde autour de moi aura fini par le connaître par cœur tant il a accompagné mes années lycée, et même encore un peu après. En plus, je n’étais même pas le seul à squatter. Je me souviens qu’une soirée n’en était pas une tant qu’avec mes potes on ne s’était pas lâchés sur "L’homme pressé", que nous connaissions tous absolument par cœur.

Aujourd’hui, avec ces années de recul où j’éprouve nettement moins le besoin de l’écouter tant je me le suis approprié, qu’en ai-je encore à dire ? D’abord que j’aime toujours autant sa puissance sonore. Il y a une épaisseur là-dedans, je peux presque la voir en trois dimensions. Elle se fait tranchante sur "Fin de siècle", leur morceau le plus dur toutes époques confondues. Elle est plus enveloppante dans "A ton étoile", l’un de leurs plus beaux. Il y a aussi du relief d’une chanson à l’autre, dans la construction du disque. Depuis les envolées orientales étonnantes de l’instrumental d’ouverture, avec l’exigeant saxophone d’AKOSH S. UNIT, jusqu’à l’amical harmonica d’ "A la longue", sans oublier bien sûr les violons songeurs d’ "Ernestine", il y a toujours un contraste intéressant avec les moments plus chauds de l’album.

Et ces moments-là, de rock primaire crachés à pleine force, jusqu’où m’auront-ils transportés ? Sans doute plus loin que n’importe quoi d’autre. Les tubesques "Un jour en France" et surtout "L’homme pressé" m’ont dit un peu qui j’étais et quelles montagnes je voulais franchir. Mais "Comme elle vient" ou "Lazy" m’ont également donné une force peu commune. Les mots et la voix de Cantat, la maîtrise électrique de Serge, l’efficacité de Denis. Et puis Noir Dez quoi. Peut-être qu’il y a mieux ailleurs, mais c’est ici que je préfère être !