A la fin de l'année 1983, EUROPE se rend dans les Polar Studios de Stockholm, antre de leurs compatriotes ABBA, pour y enregistrer leur deuxième album. En ce lieu où ont également travaillé SCORPIONS et LED ZEPPELIN, entre autres grands noms, le groupe ne perd pas son temps pour mettre en boîte sa deuxième réalisation, sous la direction du producteur Leif Mases, habitué des lieux. C'est en février 1984 que sort Wings of Tomorrow, le dernier album sur lequel figure le batteur Tony Reno, viré en milieu de tournée. Bien que le chanteur Joey Tempest se charge de l'enregistrement des pistes de clavier en studio, le groupe est rejoint sur scène par le musicien Mic Michaeli, qui intègrera rapidement le line-up officiel de la formation. Peu à peu, les choses se mettent en place pour EUROPE.

En tous points, Wings of Tomorrow se fait supérieur à son prédécesseur, qui pourtant était le témoignage d'un groupe déjà en place. La voix de Joey Tempest, tout d'abord, a gagné en amplitude et en musicalité. Alors qu'on lui doit l'écriture et la composition de l'intégralité des morceaux chantés de l'album, le vocaliste se balade et apporte un mordant supplémentaire à ces morceaux qui évoluent en territoires résolument hard rock, s'éloignant doucement et subtilement du heavy musclé. Si "Scream of Anger", musculeux et agressif, s'aventure encore dans ce genre musical, l'ajout de lignes de claviers plus imposantes et la recherche permanente de la mélodie témoignent d'un léger adoucissement du propos. Même les cavalcades de "Wasted Time", doté d'harmonies de guitare sur le solo, se voient confrontés à une tentation d'arrondir les angles, notamment sur les pré-refrains. Le résultat voit EUROPE nous offrir une caresse et une claque avec les mêmes éléments, pour un plaisir authentique.

Il y a ici de grands morceaux, à l'image de "Stormwind" et son refrain à classer parmi les plus inspirés du groupe. Une description qui colle également parfaitement à "Open Your Heart", qui possède toutes les caractéristiques d'un tube. Nous sommes ici en présence d'un hard rock mélodique qui préfigure l'orientation plus prononcée d'EUROPE sur son album suivant. Le plus traditionnel "Lyin' Eyes", qui évoque un groupe tel que BONFIRE, ou le plus dispensable "Treated Bad Again" proposent, bien que moins remarquables, suffisamment d'intérêt pour ne pas s'avérer superflus, notamment du côté des solos flamboyants de John Norum qui s'éloigne subtilement de l'influence prégnante de Michael Schenker pour affirmer son style.

La ballade "Dreamer" possède un côté rock 70's assez prononcé, lorgnant du côté de chez URIAH HEEP grâce à un côté onirique qui lui confère une force supplémentaire. Et puis, plus que sur son premier album, EUROPE propose un groove peu coutumier alors chez les Scandinaves, et balance une petite tuerie avec "Dance The Night Away" dont le riff et les modulations de Joey Tempest sur le refrain en font une véritable pépite.

Somme toute, Wings of Tomorrow est une suite logique d'un premier album prometteur, et voit EUROPE faire preuve d'une intelligence remarquable en choisissant la musicalité comme moyen d'appuyer son propos, rendant ainsi accessibles et cohérents même ses titres les plus énervés. Si cette voie de la recherche permanente de la mélodie sera suivie sur l'album suivant avec peut-être un peu trop d'emphase, elle permet ici au groupe de gagner sur tous les tableaux. Un album chaudement recommandable pour prendre pleine mesure de l'amplitude de l'éventail de compétences du groupe suédois.