La Valse des Monstres est le premier album de Yann TIERSEN, qu'on ne considère pas comme tel depuis longtemps du fait de sa confidentialité. Publié en juin 1995 par Sine Terra Firma à une hauteur de 1000 copies seulement, puis par son propre label Ici D'ailleurs qui l'édite même en vinyle trois ans plus tard, il faut attendre le milieu des années 2010 pour une ressortie en format vinyl replica parallèlement aux deux albums suivants, Rue des Cascades (1997) et Le Phare (1998).

La musique du Breton est connue pour proposer des images qui se déroulent à la manière d'un film, souvent court, mais sans besoin d'images 'imposées' justement. Ce premier disque est néanmoins consacré à des thèmes écrits pour le théâtre : une adaptation de Freaks, le long-métrage célèbre de Tod Browning en 1932, ainsi que (pour les six derniers morceaux) celle de The Damask Drum/Silk Tambourine, du Japonais Yukio Mishima d'abord présentée en 1955.

L'orchestration n'est pas aussi dense qu'elle pourra l'être par la suite. TIERSEN officie souvent seul avec son accordéon ou ses pianos pour des thèmes dont quelques-uns devenus marquants, en particulier celui de la fameuse "Valse des Monstres", qui sera même repris pour la bande originale d'Amélie Poulain.

Ces thèmes, il n'hésite pas à les décliner sous différentes formes, notamment au piano-jouet, marque de fabrique au début de sa carrière discographique, et qui lui permet d'enchanter son auditeur autrement qu'avec des sons plus terriens et réalistes tels le 'piano du pauvre', l'accordéon. On découvre ainsi avec bonheur deux versions différentes de la "Valse des Monstres" et de la "Comptine d'été n'°17", aussi charmante qu'une ronde d'enfants dans la campagne, pleine d'innocence.

"Quimper 94" emploie la batterie de Laurent Heudes pour une partition d'accordéon qui s'éloigne des influences d'Europe de l'Est chères à l'artiste pour le relocaliser là où le titre le veut, avec une danse non moins excellente et qui se rapproche du plinn. Loin de là et pourtant si proches dans cet ensemble, les notes oniriques de "Frida" et "Ballendaï" nous tombent dessus en pluie d'émotions.

Petit bémol pour la deuxième partie de la sélection, même s'il reste de très belles choses. La vision tiersenne de la musique extrême-orientale est moins touchante, simplement, plus sèche alors que paradoxalement mieux garnie en instruments. "Le Compteur" fait joliment écho au minimalisme des premiers titres et on se laisse porter par l'introduction au piano 'classique' de "La Plaisanterie".

Reste le "Mouvement Intoductif", déjà très beau au piano, avec sa mélodie fragile sur trois accords, et encore plus au cours de sa deuxième interprétation, entre musique baroque et Europe de l'Est. Sa reprise finale au clavecin sonne comme une harpe celtique à cordes métal, celle de MYRDHIN ou de TRISKELL. Même en filigrane et avec une consonance asiatique, la Bretagne reste bien présente dans la musique de Yann TIERSEN, comme des images de petite princesse, belle et adorable, voyagent dans l'esprit de l'auditeur, le mien en tout cas.

À avoir donc si l'on aime Yann TIERSEN bien sûr, à écouter par curiosité (ne serait-ce que pour la seconde partie) et parce que c'est le point de départ d'un futur artiste majeur en France.