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Nina SIMONE - Nina Simone At Town Hall (1959)
Par LE KINGBEE le 11 Octobre 2017          Consultée 1277 fois

On ne reviendra sur le parcours de Nina Simone, pianiste chanteuse prodige (voir les précédentes chroniques de mon collègue Aigle Blanc). Nous sommes en septembre 1959, Nina Simone vient de quitter Bethlehem Records, label spécialisé dans le Jazz, pour rejoindre Colpix. Cette nouvelle maison d’édition fondée un an auparavant à la mort d’Harry Cohn président de la Columbia est en fait une filiale du géant. Nina Simone a signé ce qu’on appelle aujourd’hui un contrat béton lui assurant une totale indépendance artistique avec à la clef la réalisation de quatre disques studios et quatre disque en public. Un rude changement pour Simone qui n’avait jusqu’alors gravé que 9 singles pour Bethlehem et une sorte de compilation (« Nina Simone And Her Friends ») qu’elle partageait avec les chanteuses Carmen McRae et Chris Connor, chacune interprétant quatre morceaux.

En septembre 1959, Nina Simone se produit en trio au Town Hall, célèbre salle de spectacle bâtie dans les années 20 réputée pour son acoustique. Cette salle d’environ 1500 places a vu défiler depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, tout le gratin du Jazz, de Dizzy Gillespie à Charly Parker en passant par Louis Armstrong et Cab Calloway et Earl Hines. Pour Nina c’est une première consécration. Ce soir là, elle se produit en formule trio avec le batteur Albert « Tootsie » Heath, frangin de Jimmy (sax) et Percy (contrebasse) et du contrebassiste Jimmy Bond. Le trio est bien rôdé, les deux musiciens étaient présents sur de nombreuses faces Bethlehem et sur « Little Girl Blue ». Si les deux sidemen sont jeunes, ils n’en n’ont pas moins une solide expérience, Heath a secondé John Coltrane, Jay Jay Johnson et Gene Ammons alors que Bond a fait ses gammes auprès de Chet Baker.
C’est un répertoire tout neuf auquel le public est convié. Hormis « Summertimes », tiré de l’opéra de Gershwin « Porgy And Bess », délivré sous deux versions (instrumentale et vocale) et « Cotton Eyed Joe », un standard folk appalachien avec violon, la pianiste a élaboré une set-list personnelle ne contenant aucun titre connu du grand public de l’époque.

Elle surprend d’emblée avec « Black Is The Color Of My True Love’s Hair », un folk trad. du Kentucky repris entre autre par Burl Ives, Tennessee Ernie Ford et une toute jeune Joan Baez, s’inspirant d’Helen Merrill. Parmi le public, certains doivent avoir les poils qui se dressent, c’est aussi beau que mou, le piano et le chant dressant une atmosphère quasi religieuse. La contrebasse apporte un peu de groove jazzy sur « Exactly Like You », une compo des années 30 du tandem Dorothy Fields/Jimmy McHugh. Le jeu de piano et la contrebasse marquent de leur griffe le titre, rappelant ainsi certains passages de l’intemporel « My Baby Just Cares For Me ». Il est fort probable que Nina Simone ait choisi ce titre après avoir côtoyé Carmen McRae. Le titre connaîtra quelques reprises qui ne passeront pas inaperçues (Aretha Franklin, Sam Cooke, Timi Yuro et surtout Doris Troy).
On reste dans une ambiance entre Jazz, ballade et Gospel avec « The Other Woman », compo de Jessie Mae Robinson popularisée par Sarah Vaughan. Les convictions féministes bien connues de la chanteuses se retranscrivent sur le morceau (future reprise de Jeff Buckley et Lana Del Rey).
Changement de cap avec « Under The Lowest », un shuffle instrumental Jazzy composé par la pianiste dans lequel la contrebasse lance les touches de piano sur de bons rails. C’est bien, mais avouons qu’il n’y a pas de quoi sauter au plafond même si le public semble proche de la liesse. Cette face A se termine avec « You Can Have Him », une compo de l’incontournable Irving Berlin (le créateur de « White Chritsmas » et « God Bless America »), un titre mollasson et longuet interprété préalablement par Ella Fitzgerald et Peggy Lee.
La face B débute avec deux versions accolées de « Summertime ». La première instrumentale donne l’impression que la salle est comme transie, on entendrait une mouche voler, la seconde se situe un ton en dessous par rapport aux interprétations de Little Esther, Clara Ward ou Sarah Vaughan. Si la contrebasse de Jimmy Bond pleine de feeling, le chant éclipse toute prise de risque. Il faut tendre l’oreille pour reconnaitre « Cotton Eyed Joe », célèbre folk pour violon popularisé par Fiddlin’John Carson dans les années 20. Là, Nina Simone déstructure le morceau le transformant en ballade piano Jazz sur un rythme où l’apathie prédomine. On est loin des futures versions festives des Chieftains ou du titre dancefloor du groupe suédois Rednex qui contribua à installer le titre dans toutes les discothèques du monde entier. Seconde composition avec « Return Home », un instrumental Bop dans lequel le piano prend de l’envergure bien secondé par une batterie et une contrebasse qui évoque Slam Stewart. On reste toujours dans une atmosphère indolente avec « Wild Is The Wind ». Ce titre issu du film de George Cukor (« Wild Is The Wind » avec Anthony Quinn et Anna Magnani) enregistré par Johnny Mathis ne pouvait se prêter à une version dynamique, et là encore quoi qu’on en dise c’est encore mou du genou. On peut se dire que David Bowie, George Michael, Barbara Streisand ou Lauryn Hill ne feront guère mieux dans leurs futures tentatives, cela ne console guère. Le concert s’achève avec un clin d’œil à Billie Holiday créatrice de « Fine And Mellow » délivré ici dans une interprétation des plus soft. Si le chant et le piano s’emballent de temps à autres, cette version Live ne fait pas oublier celle de Nellie Lutcher et encore moins la version Soul gravée par Rufus Thomas pour la Stax.

Presque soixante après sa sortie, cette retranscription en public laisse une impression mitigée. Le public certainement composé d’amateurs de Jazz Vocal semble parfois comme paralysé voir figé mais terriblement respectueux voir poli. Les applaudissements vont bon train et la contrebasse de Jimmy Bond que l’on verra plus tard aux côtés de Harry Nilsson, Randy Newman, Tim Buckley, The Nitty Gritty Dirt Band et Zappa et aussi auprès d’icones du Jazz (Gerry Mulligan, Eric Dolphy) demeure le point fort de cet enregistrement. Malgré tout le respect dû à cette immense interprète, le manque de punch, le répertoire vieillissant et pour tout dire trop timoré empêchent ce disque d’accéder à la moyenne. Ajoutez y un registre ne cessant de se brinqueballer entre Jazz, Gospel, Blues, Soul et variété internationale et vous aurez compris mon scepticisme.

* La chronique de ce disque provient de l’édition de 1964 du vinyle Colpix. Publié sous près d’une trentaine de pressages, ce Live a fait l’objet l’an passé d’une réédition vinyle 180 grammes avec une pochette différente via Not Now Music, un pressage déconseillé.

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   LE KINGBEE

 
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- Nina Simone (chant, piano)
- Jimmy Bond (contrebasse)
- Albert 'tootsie' Heath (batterie)


1. Black Is The Color Of My True Love's Hair.
2. Exactly Like You.
3. The Other Woman.
4. Under The Lowest.
5. You Can Have Him.
6. Summertime (instrumental).
7. Summertime (vocal).
8. Cotton Eyed Joe.
9. Return Home.
10. Wild Is The Wind.
11. Fine And Mellow.



             



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