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Nina SIMONE - Nina Simone Sings Ellington! (1962)
Par LE KINGBEE le 20 Juin 2018          Consultée 2052 fois

Sixième album (le cinquième pour l’écurie Colpix) pour Nina SIMONE. Comme le laisse entendre le titre, cette fois-ci la pianiste s’attaque au répertoire de Duke ELLINGTON. On n’aura rarement vu de titre plus explicite.
Nous sommes maintenant en 1962, une année charnière pour la chanteuse qui ne va pas tarder à devenir maman pour la première fois. Au niveau de sa vie de tous les jours, Simone s’intéresse de plus en plus aux droits des femmes et surtout au Mouvement des Droits Civiques. Elle ne franchira véritablement le pas pour le CRM qu’en 1964, après que le KKK ait lâché une bombe en septembre 63 dans une église de Birmingham tuant quatre enfants.

Si la chanteuse s’est fait un nom depuis son interprétation de « My Baby Just Cares For Me », elle dispose aussi d’une marge de manœuvre importante auprès de Colpix Records par le biais d’un accord largement valorisant, Nina Simone gardant un regard artistique exclusif sur ses disques. Entre la future naissance de son enfant, des problèmes conjugaux avec son second mari, un ancien détective de New York, et un investissement plus ou moins profond dans certains sujets de société, la pianiste semble nous pondre ici un album presque alimentaire, répondant ainsi à son quota de disques pour Colpix. Après de nombreuses écoutes au fil des années, on ne nous retirera pas de la tête qu’en 62, Nina Simone avait d’autres chats à fouetter que de faire un disque, si ce n’est répondre à son contrat et accessoirement ramasser quelques menue monnaie.

On ignore avec exactitude les dates d’enregistrements de ces onze titres. Aucune indication ne figure sur la pochette hormis la participation du Malcolm Dodds Singers, un ensemble spiritual œuvrant dans les domaines du Jazz et de l’Evangile dirigé par l’ancien leader des Tunedrops, un ensemble de Doo-Wop. On peut raisonnablement penser que ces 11 faces proviennent d’enregistrements antérieurs, arrangés par Nina Simone sous la houlette de l’orchestre de Ralph Burns. Mais ne nous leurrons pas, excellent pianiste et chef d’orchestre ayant officié dans le giron de Woody Hermann, Stan Getz ou Ben Webster, Burns était en passe de tomber dans la marmite des comédies de Broadway et du film hollywoodien.
Si le dorsal de la pochette signale qu’il était inévitable que les routes du DUKE (Duke Ellington) et de Nina SIMONE se croisent un jour ou l’autre, on ne peut que se montrer circonspect quant au choix des titres. Ceux-ci semblent avoir été piochés au petit bonheur la chance dans le répertoire du Duke, la chanteuse prenant grand soin de regrouper standards et inusités.

D’entrée de jeu, « Do Nothin’ Till You Hear From Me » nous conforte dans l’idée qu’on ne risquera pas de s’attraper un torticolis. C’est mou du genou et le chant de Nina ne parvient pas à relever l’orchestration apathique, à tel point que les versions antérieures d’Anita O’Day ou Dinah Shore sans parler d’Ella Fitzgerald paraissent comme de vrais Rock n Roll. Autre grand titre puisé dans les années 40, « I Got It Bad » risque de remporter un grand suffrage, le titre servant de bande son au film « The Big Lebowski » des Frères Coen. Mais avouons que la version de Nina Simone fait pâle figure comparée à celles de Timi YURO, Etta JAMES, Esther Phillips ou celles plus récentes de Cecile McLorin Salvant ou Melissa Stylianou. A noter que Boris Vian adaptera le morceau en « Je Suis Mordue », chanté par Zizi Jeanmaire et Magali Noel. Il n’y avait pas grand-chose à attendre de « Something To Live For », une romance encore plus datée dans laquelle la chanteuse ne semble guère s’impliquer, chantant comme d’autres vont à la mine ou à l’usine.
Parmi les inusités du Grand Duke, « Hey Buddy Bolden » écrit en hommage à Buddy Bolden l’un des premiers grands trompettistes de la Nouvelle Orléans aurait pu être une bonne trouvaille. Hélas Nina Simone nous offre un exercice de style au piano bien éloigné du solo de trompette de la version d’origine. Un titre tout simplement chiant ! Autre inusité « Merry Mending » s’annonce plus joyeux naviguant dangereusement entre chant de Noël et western song avec des chœurs ridicules à la Mitch Miller, mais si le piano annonce clairement les influences classiques de Simone, avouons qu’il n’y a ici rien pour faire sauter la banque. Parmi les disques peu connus d’Ellington, « A Drum Is A Woman » édité en 1957 fait un peu chambre à part, les paroles prenant le pas sur la musique, chose rare chez le jazzman. Tiré de cet album, « You Better Know It » s’avère être une heureuse surprise. Le jeu de piano rappelle par instant la mélodie de « My Baby Just Cares For Me » et le chant de Simone fait largement oublier celui d’Ozzie Bailey qui se voulait certes parodique mais demeurait toutefois insupportable.

La face B s’ouvre sur le grandiloquent « I Like The Sunrise », titre enregistré par Ellington en 1948 sur V Disc, label créé à l’initiative du ministère de la guerre américain afin de remonter le moral des troupes. La version originale nous immerge dans une sorte d’hymne à mi-chemin entre emphase pompeuse et chanson commémorative. Le Libéria se servira de cette version lors de la commémoration de son centième anniversaire. La version de Nina Simone s’avère encore plus solennelle que l’originale. « Solitude » figure probablement parmi les dix plus gros standards d’Ellington. Gravé en 1934 par Victor Records, « Solitude » connaîtra près de 120 versions instrumentales pour autant de versions chantées. Autant dire que la présente interprétation de Simone s’avère quelconque et n’arrive pas à la cheville des versions instrumentales de Joe PASS, Jo JONES, Kenny BURRELL, Billy Jenkins & Leo Parker Quintet ou Ruby BRAFF, voire même de Jay GEILS. Toutes ces versions pourtant instrumentales délivraient plus d’émotion.
Il faut attendre « The Gal From Joe’s » pour que l’on sorte d’une léthargie qui avait tendance à s’installer. L’orchestration plus contemporaine, les arrangements et le vocal dont les intonations ramènent entre Spiritual et Blues nous dévoilent une chanteuse plus impliquée. Pas de chant sur « Satin Doll », gros succès d’Ellington qui servira notamment de bande-son à certains épisodes de la série « Ma Sorcière Bien-aimée ». Malgré un bon phrasé de piano, l’orchestration ronronne dans le mauvais sens du terme manquant cruellement de swing. Une interprétation pantouflarde loin de faire oublier celles de Wes MONTGOMERY, Johnny HODGES, Bud POWELL ou les versions chantées de Joe JACKSON et Patti Austin. Le disque s’achève presque sur un feu d’artifice avec le remuant « It Don’t Mean A Thing » dans lequel Nina envoie le pâté peut-être pour la première fois. Les puristes de Jazz lui préfèreront à juste raison les versions instrumentales de Theolonious MONK, Sonny Stitt ou du Dizzy Gillespie/Stan Getz Quintet ou encore les versions chantées de Gloria Smyth, Ella FITZGERALD. Les plus jeunes devraient eux s’orienter sur les versions des Puppini Sisters ou de Joe JACKSON avec un Iggy POP au chant.

Duke ELLINGTON, probablement l’un des plus grands compositeurs et chef d’orchestre de Jazz, a été l’objet d’une tripotée de disques « tribute ». Ce disque ne retranscrit jamais le génie de cette légende du Jazz. En fait, ce disque fait plus penser à un album fourre-tout, peu inspiré probablement dû à une obligation contractuelle. L’orchestration et les arrangements sonnent aujourd’hui bien obsolètes et dévoilent une Nina Simone peu inspirée ne surnageant qu’à travers deux ou trois titres. Un Tribute daté dont la note ne dépasse pas 2, preuve de ma bienveillance. Je ne sais pas pour vous, mais moi je retourne poser un disque du Duke sur ma platine, y'en a plein qui valent le déplacement.

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   LE KINGBEE

 
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- Nina Simone (chant, piano)
- The Malcom Dodds Singers (choeurs)
- Ralph Burns Orchestra


1. Do Nothin' Till You Hear From Me.
2. I Got It Bad.
3. Hey, Buddy Bolden.
4. Merry Mending.
5. Something To Live For.
6. You Better Know It.
7. I Like The Sunrise.
8. Solitude.
9. The Gal From Joe's.
10. Satin Doll.
11. It Don't Mean A Thing.



             



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