Après l'excellent Divide And Exit, le duo de Nottingham va devoir consolider et montrer qu'il en a encore sous la semelle, conscient qu'il est attendu au tournant d'autant plus que nos compères ne travaillent plus puisqu'ils peuvent désormais vivre de leur musique. Key Markets sort donc dans la foulée (juillet 2015) du précédent album qui avait été enregistré en 2013 et 2014. Pour Key Markets l'enregistrement s'étend précisément entre juillet 2014 et mars 2015.

Ne tournons pas autour du pot, Key Markets est un album franchement réussi qui n'a pas grand-chose à envier à Divide And Exit.

Sur Key Markets, l'énergie globale ne perd pas en intensité par rapport aux productions précédentes, on retrouve encore une collection de titres qui défoncent la gueule à souhait, avec toujours cette recette de l'urgence revendicatrice et dénonciatrice punk et d'un flow rageur vomi à l'accent du Midlands britannique qui doit composer avec le spoken words, la musique minimaliste, encore plus dépouillée, de Andrew Fearn délivrant toujours des riffs raw et hypnotiques qui vous mettent en transe, des boucles énergiques et épileptiques à vous décrocher la tête, le tout vous donnant une irrésistible envie de tout casser autour de vous. Ce qui va très bien avec le nom de leur distributeur, le label d'origine punk-rock, Wipe Out Music.

Pour traduire l'état d'esprit du duo, on peut extraire une phrase de leur interview donnée au journal The Guardian, à propos de la scène rock : « Go and write a fucking decent song that says something about the state we’re in instead of buying into all this rock aristocracy bullshit. » (Partez et écrivez une putain de chanson correcte qui dit quelque chose à propos de l'état dans lequel nous sommes plutôt que d'investir toute cette merde de rock aristocratique).

« Live Tonight » qui introduit l'album, « No One's Bothered », « In Quiet Streets » ou « Face to Faces » sont encore de très bons exemples de titres énergiques qui fonctionnent à merveille en live, ce sont des putains d'expédients punks rondement envoyés qui remplissent leur rôle comme il se doit. La section rythmique plus tribale et le riff killing-jokiens de « Bronx In A Six » contrebalancent l'urgence par la lourdeur et montrent que SLEAFORD MODS œuvre également dans un registre post-punk évident. « The Blob » qui clôt l'album a, lui, la lourdeur d'un hip-hop qui pourrait nous faire penser à CYPRESS HILL.

« In Quiet Streets », autre titre fort et très réussi, est épileptique et sautillant à souhait et voit Williamson introduire un chant plutôt mélodique dans sa dernière partie dont SLEAFORD MODS est peu coutumier alors que l'étrange « Ruper Trousers » transporte des effluves post-punk/new wave et que « Giddy On The Ciggies » charrie, lui, des basses très lourdes et porte encore des images tribales. Et comme sur Divide And Exit on retrouve quelques soubassements funk avec « Silly Me », une composition enfumée très lourde.

L'urgence de Key Markets est encore perceptible comme sur les précédents Divide And Exit ou Austerity Dogs, mais surtout cet album prouve que le succès de 2014, s'il fut long à se concrétiser, n'était pas un accident. Key Markets est un album solide, avec des compositions qui se retiennent bien, les près de 40 minutes de Key Markets soutiennent la comparaison avec Divide And Exit, ça ne fait pas l'ombre d'un pli.