La cohérence, les albums concepts ne sont pas vraiment les idées qui trottent dans la tête de REDMAN. Lui, il est plutôt dans le concret, dans le réel. Après avoir sorti deux productions qui prétendent toutes les deux à leur niveau au statut de classique – si la première est sans conteste dans un top 50, l'autre sera plutôt dans un classement général – le rappeur revient nous chatouiller les oreilles. Muddy Waters intervient après une déprime qui l'a poussé à écrire un second album très sombre. Et ce regain de moral va être un vrai bouleversement pour le rappeur, qui va nous proposer un album qui se présente comme étant l'un des meilleurs de sa longue discographie.

Toujours actif en tant qu'homme à tout faire, REDMAN enfile la casquette de producteur pour nous envoyer toutes ses idées, que ce soit à travers les mélodies ou les paroles. Le rythme et la mélodie présents sur "Iz he 4 real" vont donner le ton : le son est underground, la batterie est old school, la mélodie est faible pour donner la part belle à la technique du rappeur. On retrouvera le même genre d'ambiance sur des morceaux comme "Rollin".

A contrario avec les productions signées REDMAN, celles que ses collaborateurs proposent sont bien plus mélodieuses et diversifiées. En premier lieu, on trouve en "Rock Da Spot" un morceau d'une efficacité monstre qui a tout d'un classique du genre, que ce soit au niveau des paroles très spontanées d'un rappeur qui a la rage de vaincre, qu'au niveau de la pointilleuse mélodie qui arrive à faire tilter son auditeur. On trouve en ce morceau l'une des meilleures pièces que nous a proposé REDMAN à ce jour. "Do What U Feel", qui nous propose l'intervention d'un METHOD MAN percutant, est aussi l'une des pièces maîtresses du projet. Le morceau "Da Bump", reprenant tous les codes du g-funk typique des années 90, est lui aussi une grande réussite. Dans un genre similaire, on trouve "Pick It Up", qui se rapproche finement des productions de SNOOP DOG.

REDMAN propose toujours un contenu conséquent sur ses albums, Muddy Waters ne déroge pas à la règle. Ceci pouvant en dérouter certains, il m'est donc nécessaire de préciser que le caractère classique de cet album s'inscrit dans la mouvance de son époque : le rap se diffuse à la radio et en bouche à oreilles, les fans se gravent les cds encore eux, la découverte des artistes se fait bien moins aisément qu'aujourd'hui et la lassitude est bien plus lente à atteindre. Alors quand un gars comme REDMAN sort un skeud qui dépasse l'heure d'écoute, il brille comme de l'or auprès des fans. La difficulté à ingérer l'album en entier n'était en aucun cas une barrière à l'époque.

Ceci étant, les morceaux tirent tous leur épingle du jeu : "Soopaman Lova 3" nous emmène à nouveau dans le storytelling de l'enfant rêveur qu'est REDMAN, tout ceci sur une mélodie agréable. "Yesh yesh ya'll" nous prouve qu'il est l'un des acteurs incontournables du rap influent de l'époque. Sur "Smoke Buddah" il nous rappelle ses petits plaisirs, avec une instru qui sonne plutôt commune chez le rappeur, mais qui est d'une qualité indéniable.

Muddy Waters est un projet d'une solidité sans précédent. What Thee Album a atteint son statut de classique du fait qu'il soit son premier album, et a eu l'effet d'un missile sur le public américain. Le 3ème album est un classique car il comporte toutes les pièces principales de la carrière d'un des rappeurs les plus influents de son époque. Son style, un doux mélange de nonchalance et d'énergie, est solide et probablement inépuisable, c'est en tout cas ce qu'il réussi à nous faire penser avec cette troisième réussite consécutive.