Un style complètement déjanté, des sujets abordés aussi tabous que provocateurs, une hype qui se crée avec une notoriété grandissante le menant petit à petit à s'entourer des meilleurs. Le début de carrière de REDMAN fut effectué à travers quelques apparitions dans la discographie du groupe EPMD, pilier essentiel du rap des années 90. Un luxe que peu ont eu l'occasion de se payer, qui va aider notre jeune néophyte du New Jersey à s'insérer dans l'industrie. Deux années plus tard, sort son premier album intitulé Whut Thee Album, début de la longue carrière de REDMAN, rappeur important du paysage américain, trop souvent sous-estimé et méconnu du paysage français.

Cet album a une construction assez déroutante. On a l'impression de s'installer dans le canapé du rappeur et de l'entendre partir dans un monologue. En effet, beaucoup d'interludes entre les morceaux qui permettent à REDMAN de s'exprimer – très souvent de manière comique. Rajoutez à cela le fait que les instrus sont très primaires, j'entends par là qu'elles sont le fruit d'une inspiration underground qui se veut puriste au maximum. Pour exemple "Blow Your Mind", un des titres les plus connus du projet, qui se révèle rouler sur quelques notes de batterie et de basse (refrain mis à part), quelques scratchs du dj, tout cela agrémenté de la voix de REDMAN qui a le mérite d'être percutante. Cet album, aujourd'hui considéré comme un classique du hip-hop, est parsemé de mélodies funk, parfois reggae, tout en étant fidèles aux racines du style rap. Rien de tel que "Time 4 Sumaksion" pour prouver mes dires, morceau défilant à toute vitesse dans une efficacité des plus intenses. Ici, on ne calcule pas l'impact que cela aura sur l'auditeur, on envoie juste la production et on s'exprime dessus.

L'intensité n'est jamais prise en défaut dans un album qui se veut des plus fêtards. REDMAN souhaite conférer à son projet une ambiance positive, et cela se ressent dans des productions telles "Da Funk" ou le classique "How to roll a blunt", qu'une génération entière a considéré comme le meilleur mode d'emploi de l'amusement en soirées festives. Dans "So Ruff", le rappeur nous fait une campagne de prévention cachée contre les rapports sans protection, en utilisant avec goût la langue de Shakespeare pour donner un ton comique à la situation. La mélodie underground sur "Rated R" résume à elle seule l'ambiance de l'album, de plus ce morceau prouve toute la technique du rappeur REDMAN qui paraît tellement à l'aise avec la production.
Impossible de manquer l'énorme (et unique) tube "Tonight's Da Night", qui justifie à lui seul le statut mythique de l'album. Pour le reste, on retient essentiellement l'important "A Day of Sooperman Lover", premier épisode d'une longue série de storytelling qui suivra la carrière du rappeur. Mention honorable à des morceaux tels que "Hardcore", "Jam 4 U" ou encore "Redman meets reggie noble" qui bénéficient d'une spontanéité efficace.

Le seul point noir pourrait résider dans un aspect trop brouillon qui le rend difficile d'accès aux curieux peu habitués du genre. Il aurait gagné à être doté d'une construction plus simple pour les auditeurs. Mais quoiqu'il en soit, cela n'enlève rien à la qualité musicale du projet.
Les gars d'EPMD ont eu raison de croire en la puissance de REDMAN, le pari est réussi. Whut Thee Album est un succès qui ne sera pas récompensé à sa juste valeur à sa sortie mais qui acquiert très rapidement le statut de classique du rap américain. Pas de doutes sur les qualités de REDMAN, qui caractérise à lui seul une définition plutôt correcte de la musique impactante et spontanée.