EMINEM joue son ultime carte en nous proposant un album dénué de tout aspect marketing avec Kamikaze. Le contexte est simple : l'année passée, est sorti Revival, décevant en tout point, qui a subi les foudres de nombreux critiques que le rappeur a eu du mal à accepter. Un tel égo étant relativement compréhensible pour une icône pareille dans le monde du hip-hop, il a sciemment décidé de nous sortir une nouvelle galette, réponse éminente aux critiques qu'il digère mal. La pochette de l'album est une référence non dissimulée au groupe de rap BEASTIE BOYS et son album Licensed to Ill, que notre rappeur considère comme un chef d'œuvre.

S'il s'est auto-proclamé Rap God, il est loin de nous avoir conquis avec son dernier projet. Kamikaze redonne du souffle à un rappeur qui en manquait énormément, bien loin de ses classiques que l'on ne nomme plus. En 13 titres, EMINEM propose avec intelligence un album pas trop dur à digérer, contrairement aux dernières galettes truffées de productions sans fin. L'inégalité règne tout au long de Kamikaze qui propose aussi bien de vraies bonnes idées que des mauvaises auxquelles nous sommes habitués depuis 5 ans. Pour preuve, le rappeur nous offre une pale copie de son morceau "Rap God" sur "The Ringer", qui n'a rien de plus et se fond autant dans la masse, avec une instrumentation encore moins épique. Seules les quelques rimes arrivant vers la fin du titre nous rappellent le talent de l'artiste. Mais à contrario, "Lucky You" apporte une réelle vague de fraîcheur amenée par un Joyner LUCAS qui maîtrise chaque phrase balancée en nous expliquant qu'il n'a rien gagné dans sa vie, tandis qu'EMINEM n'hésite pas à parler de sa popularité et de la manière dont elle a influencé sa vie. "Greatest", situé entre les deux titres précités, s'avère une réussite dans laquelle le rappeur nous expose toute sa technique, sur une mélodie typique qui réussit au Slim Shady.

Cet album est en tout cas une réussite commerciale. Comme toujours, EMINEM sait faire le buzz même sans aucune promotion. Au-delà des trois titres cités plus haut, le rappeur frappe fort avec ROYCE DA 5"9 sur "Not Alike", qui arbore un refrain très proche des productions de MIGOS tout en critiquant ouvertement les rappeurs qui ne prennent pas position dans leur musique. Le rappeur fait un clin-d'œil à "Fack", un ancien morceau, sur "Kamikaze" qui parle principalement du fait que son dernier album n'est pas sa plus grande fierté. "Fall", la piste suivante, aborde le même thème mais l'instrumentation est bien plus fine et recherchée, et le rappeur convainc bien plus dans ce style. Probablement l'une des plus grosses réussites du projet d'ailleurs.
Pour le reste, le rappeur peine à convaincre avec "Normal" bien que son discours reste censé, lui qui voudrait une vie normale mais n'arrive jamais à l'atteindre. La présence de Jessie REYEZ sur "Nice Guy" et "Good Guy" est pour le moins déroutante mais attachante.
La seconde partie est bien plus réussie. Et si "Venom" n'attire pas un instant mon attention, force est de reconnaître que l'on tient en "Stepping Stone" la plus grosse production de l'album, celle qui arrivera à me le faire réécouter de temps à autres.

EMINEM change clairement sa manière d'aborder sa musique. Vexé, contraint de devoir s'expliquer, il nous propose un Kamikaze où il cherche à convaincre à nouveau un public qui le boude depuis un certain temps. Le résultat est malheureusement peu glorieux, et il est difficile de croire que cet album aura un quelconque impact dans le temps. Juste quelques bonnes idées, par-ci par-là, mais loin d'un grand EMINEM.