Allez, juste pour voir. J'invoque l'attention de tous les auditeurs de musique. Fans de blues, de country, de métal, de black, de jazz, de classique, d'électro, de soul ou encore de rock. L'un d'entre vous est-il encore inconscient de l’existence d'EMINEM ? Ouais, vous voyez bien, le rappeur blanc, un poil carrément arrogant dans ses clips, à la démarche provocatrice et qui suscite autant l'admiration que la critique. Avouez quand même, le gars on peut l'aimer, le détester, mais sa réputation est incontestable. Et elle n'est pas basée sur le néant comme certains. Non, EMINEM a un sacré passé. Son Marshall Mathers LP était de la folie, The Eminem Show et Encore aussi, quand à ses projets de qualité avec DR.DRE ou autre on ne les compte plus !

Bon bon bon... La suite de Recovery a le droit encore une fois à une campagne de promotion solide : le titre « Survival » choisi comme single pour honorer le nouveau Call Of Duty, « Berzerk » utilisé pour la publicité de son père adoptif le docteur et ses Beats By Dre, une tournée pour montrer qu'il est pas mort avec entre autres un Stade de France rempli à bloc, et j'en passe. Façon simpliste et anodine de montrer au monde entier qu'il est de retour pour de bon.

Sauf que là c'est un retour différent, c'est pas comme son précédent album. Pourquoi ? Parce que cette nouvelle galette est intitulée The Marshall Mathers LP 2. Ce qui signifie beaucoup.
Alors soit le rappeur blanc avec le plus de notoriété du monde a voulu faire un événement que j'appelle le « coup de reboot », c'est à dire faire une pseudo-suite d'un album qui est la référence ultime de son succès paru 15 ans plus tôt, dans le simple but de faire comprendre qu'il est resté le même et qu'il faut continuer à l'aimer comme il y a 15 piges. Soit il existe un réel parallèle entre ces deux albums.

Au final, c'est un peu des deux. Cet album est dans la même veine que le premier du nom dans le sens où il traite des sujets plutôt personnels – on y retrouve beaucoup la mère d'EMINEM et sa fille – et les paroles sont liées à son grand frère. Mais au niveau des instrus, il ne faut absolument pas s'attendre à une redite de MMLP. C'est un autre monde. C'est 2013. C'est des instrus pompeuses et sur-produites, certaines fois presque electro (visez moi le raté « Rap God »). Mais pas pour autant mauvaises.

Au contraire même, on va avoir le droit à de bonnes surprises à l'écoute de cet album. Hormis l'excellent et très rock'n'roll single « Berzerk » et le plus conventionnel mais correct « Survival » sortis quelques mois avant la bête MMLP2, il y a pas mal de bonnes trouvailles.
Le premier morceau « Bad Guy » se révèle être d'une efficacité extrême et les 7 minutes passent comme une seconde, avec un final qui se veut épique où EMINEM déverse toute sa haine avec le professionnalisme qu'on lui reconnaît depuis maintenant une bonne vingtaine d'années. Ce titre est en parallèle avec son grand succès « Stan », on retrouve le petit frère du fou Stan. Sympa. Le parallèle avec le premier MMLP se fera tout au long des titres, avec certaines fois quelques subtilités, et certaines fois des thèmes repris à la lettre. Prenez le correct et sympathique « So Much Better ». Il reprend le thème d'un des morceaux phares de l'album MMLP, « 25 to life », dans lequel il compare l'industrie musicale à une femme.

Listons rapidement les bons titres. L'excellent – que dis-je, meilleur titre de l'album – morceau intitulé « Love Game » en duo avec Kendrick LAMAR le petit génie (présent partout, révélation de la décennie) est une pure bombe marrante à écouter pour les paroles et l'instru folle au possible. Immanquable. « Legacy », qui rappelle sensiblement la mélodie de « Stan », bien que la chanteuse soit moins douée que DIDO à la tâche, le titre s'en sort avec les honneurs. « Stronger than I was » est touchant, directement dédié à son ancienne femme – thématique courante chez le rappeur. Le titre « So Far », qui va doucement faire rager les fans de rock, reprend le classique de Joe WALSH « Life's Been Good » avec qualité et notre rappeur a toujours un flow du tonnerre. Enfin « Evil Twin » possède la pêche nécessaire pour se démarquer du lot, EMINEM utilise encore une fois une bonne dose d'humour bienvenue.
Dans la catégorie navrante mais maintenant devenue courante chez les rappeurs de titres baveux et crémeux mais pas trop mauvais, on retrouve « The Monster » avec RIHANNA, bien moins remarquable que leur duo précédent « Love The Way You Lie », mais de bonne qualité tout de même. « Headlights » fait aussi partie de cette catégorie, avec le chanteur intru Nate Ruess qui a – avouons le – une voix remarquable, mais un manque de pêche indéniable sur ce titre.

Cet album ne sera pas la tuerie attendue, ni l'album de l'année. Pourtant il est loin de faire tâche dans la discographie d'excellente qualité du rappeur. Il surpasse même des albums douteux tels que Relapse. De là a l'appeler Marshall Mathers LP 2, c'était peut être un peu trop. Les retrouvailles avec le EMINEM de 2000 ne seront pas pour cet album, vous vous en doutez. Trop de choses ont changées, l'industrie de la musique n'est plus la même. Bon cru de 2013, EMINEM nous prouve qu'il a toujours du talent a revendre et qu'il n'est pas prêt d'en avoir fini avec le rap. Va-t-il suivre les traces de son maître le Docteur DRE et rapper jusqu'à 65 piges ? L'avenir nous le diras...

Morceaux préférés : « Love Game », « Berzerk », « So Far », « Bad Guy »