Chaque livraison du PÄUL BUTTERFIELD BLUES BAND voit la situation changer de manière drastique. L'opus précédent avait vu le groupe s'embarquer dans un genre beaucoup plus rythm'n'blues que Blues rock, sans perdre beaucoup en qualité d'ailleurs. Cette fois, les deux derniers membres d'origine de la formation, le guitariste Elvin BISHOP et le clavieriste Mark Naftalin ont laissé les commandes du navire au patron Paul BUTTERFIELD. Une section cuivre conséquente encadre maintenant le chanteur harmoniciste, et la guitare est à présent relégué dans une sphère secondaire, puisque Gene Dinwindie, généralement préposé aux cuivres, et Howard Buzz Feiten qui a fait sa superbe réputation de musicien comme bassiste, s'en occupent. Nous sommes très loin de la mythique paire BISHOP, BLOOMFIELD. Mais l'évolution suit son cours, la photo de couverture montre un Paul plus mature, le Band réunit comme un seul homme derrière son leader. Et c'est un véritable travail de groupe que nous avons au niveau des compositions, chacun y va de sa petite contribution.

Paul BUTTERFIELD, comme à l'accoutumée ne propose que trois titres de cet album. "Morning Sunrise" amorce avec une couleur très rythm'n'blues, dans une ambiance qui annonce l'arrivé prochaine du funk. Nous avons pléthore de cuivre dans "No Amount of Loving", avec une guitare plus funk que vraiment bluesy, ce qui n'empêche pas la bonne vibe et un chouette solo de Buzz. Dans une atmosphère fiévreuse digne d'un club de Chicago, "Keep On Moving" ramène le propos vers un blues d'extraction moderne avec une forte influence soul. Seule l'harmonica nous ramène vers une identité plus roots.

Le nouvel arrivant Howard "Buzz" Feiten propose "Buddy's Advice" et met ainsi des couleurs très fusion en avant. Un genre jamais abordé par le PBBB jusqu'à présent. Effectivement, l'apport du génial musicien est conséquent, on sent une créativité débordante mais qui ne correspond pas forcément pour moi au fond de commerce du BUTTERFIELD BAND. Le bassiste Rod Hicks compose deux titres : bien plus rock sur "All In A Day", avec une gratte incisive puis une ambiance festive et quasi funky avant l'heure sur "So Far So Good". Tout ça est bien agréable. Le pianiste Jerry Ragovoy amène "Except You", titre d'une lenteur suave ou le smooth vous envahit totalement, très moderne et sophistiqué, vivement recommandable. Puis la trépidante "Where Did My Baby Go", plutôt sympa, ou les cuivres règnent en maîtres.

Le saxophoniste gratteux Gene Dinwindie amène dans sa besace deux titres d'amour : la supra connue "Love March" qu'on retrouvera ensuite sur le légendaire live à Woodstock pour la contribution du PBBB, ce n'est pas rien ! ainsi que "Love Disease", très groovy et dont l'esprit est plus R'n'B que blues. On s'éloigne des Roots, d'autant que le bridge du milieu s'apparente presque à du free jazz, avec ses solos de sax à répétition. Rien de phénoménal quand on réalise ce que fait finalement Mike BLOOMFIELD dans le même temps. Nos garçons ont juste évolué de concert à distance.

Jesse Stone - sous le pseudo de Charles Calhoun -, l'homme qui aura donné au monde "Shake Ratte And Roll" se voit repris avec "Losing Hand"; sans doute le meilleur morceau de cette livraison : du blues moderne gorgé de cuivres, qui a certes perdu son aspect roots mais a acquis une dimension crépusculaire, c'est beau ! Mais oui ! Enfin "Walking By Myself" est presque un rock'n'roll à l'image de ceux du concurrent collègue Johnny WINTER.

Bien entendu, on s'est éloigné des standards du blues rock de manière définitive. Il fallait digérer l'influence des monstres sacrés de Chicago pour aboutir à ce style propre. Il n'y a ici que de l'agréable, du groove, des tonnes de cuivre rugissants, bien sur sans doute un peu moins de sueur fiévreuse et de délires instrumentaux endiablés, mais cette notable évolution et ne nuit aucunement à l'évolution du BUTTERFIELD BAND, qui signe à nouveau un disque super sympa et plein de bonne humeur, ce qui était moins évident au début ! Un 3.5 sur l'échelle de notation.