Après le succès de son premier album, il restait à Julie ZENATTI de commencer ce qu'on appelle vulgairement une carrière. Et Fragile laissait le choix entre continuer l'exploration des sons modernes, ou aller vers un peu plus de classicisme. Je vais être franc : c'est cette dernière option qui a été retenue, et heureusement. Les sons r'n'b, les featuring rap, l'orientalisation de l'orchestre, vous ne trouverez rien de ça ici : ZENATTI et son équipe optent ici pour de la variété "pure", ce qui conduit fatalement à du bon et du moins bon. C'est ça, faire un choix !

Le bon, c'est qu'outre sa voix mutine qui passe toute seule, les amateurs auront une belle collection de petits titres franchement charmants, à commencer par les deux plus connus : "La vie...", single d'ouverture épatant d'efficacité mélodique sans aucune prétention, et le morceau-titre qui bénéficie, outre d'un bon refrain, d'une orchestration aussi riche que délicate. Une chanson adorable, loin du pathos de Fragile, beaucoup plus nuancée. On trouvera d'autres réussites, moins flagrantes mais réellement prenantes. "Mon voisin" tente le refrain pop-rock un peu rentre-dedans, et y arrive fort bien - c'est curieux que le single choisi ait été son successeur, un "T'emmener en amour" aux bonnes guitares mais un peu anecdotique.

Le moins bon, tout en restant agréable, c'est le terme "petits titres". Alors que Fragile pêchait parfois par excès de zèle, "La vie" reste trop souvent dans son enclos. Ils sont rares, les moments de folie : le final abrupte - mais pas incongru quand on y pense - de "J'en doute", ainsi que son solo de violon cajun ; l'ambiance des arrangements d' "Une femme qui sommeille", me rappellant curieusement SAKAMOTO ; et difficile de juger "C'est moi qui sonne", chanson-hype qui devrait ne fonctionner à aucun moment mais finit par se laisser écouter, uniquement parce que c'est Julie et qu'elle y développe son sens du coquin chic, éternelle enfant qui était par trop écrasée sur l'album précédent.

Les autres titres, eux, sont donc trop dans le moule, les deux moules précisément : voix/orchestre ou voix/mid-tempo lambda. Des plages comme "Inconsolable", "Des lunes" ou la comptine amère "Ma vie et la tienne" n'ont pas assez d'accroche, restent en surface, sans pour autant qu'une seule soit vraiment ratée, ou même de trop. A ce titre, "C'est du vent", avec son tempo et son travail sur les guitares, rappelle beaucoup le Roch VOISINE de l'année précédente : si vous aimez l'un, vous aimerez l'autre. Ce n'est même pas un gros "ventre mou", c'est véritablement une direction artistique claire, que certains pourront snober.

Etonnante (car inattendue) fin d'album, "Ensemble" joue à fond la carte de la chanson optimiste et volontariste, allez, tout le monde debout, le monde va aller mieux grâce à toi, mec ! Hein mec !? Mec ? Bon, reste assis. Toujours est-il qu'avec ses sonorités world, sa grosse prosti-transpose et ses arrangements foisonnants, "Ensemble" finit par conquérir l'auditeur de bien belle façon. C'est la chanson expansive par excellence, pour clore un album qui justement manque un peu d'envergure. Un ouvrage mignon, sans grandes prétentions, pas inoubliable mais qui place Julie sur l'échiquier, prisé bien qu'accidentogène, de la chanteuse innocente. Dans un désert, on appelle ça une oasis et ça peut sauver des vies.