La deuxième moitié des années 2000 est une période où Nolwenn KORBELL et Soïg SIBÉRIL collaborent plusieurs fois ensemble, y compris sur ses albums à lui. Red est plus facilement rattaché à la discographie de la dame, car il contient une quasi-totalité de chansons (un seul instrumental) alors que le guitariste préfère les histoires sans paroles d'ordinaire. De plus, il n'y a qu'une poignée de chansons originales, les autres sont des reprises et notamment des deux premiers albums de Nolwenn KORBELL.

L'exercice acoustique chant/autre instrument dans le plus grand dépouillement n'est pas donné à tout le monde. Un sorcier de la guitare et une voix de dame fée peuvent nous convaincre. Red est un plaisir pour les oreilles, la cohésion des deux interprètes s'entend sur de nombreux titres, à commencer par cette nouvelle version de "Sant ma pardon". La folie palpable de KORBELL, à côté de SIBÉRIL qui s'amuse à tenir le rôle de la guitare et de la contrebasse, mais à la guitare seule.

Certaines refontes de titres de la chanteuse y gagnent beaucoup, comme "Valsen Trefrin" avec cet arpège enivrant, semblable à une harpe. On dirait ceux que Dan AR BRAZ emploie sur ses albums acoustiques, idem pour le début impressionniste du magnifique "Kanaouenn Katell", sauf que SIBÉRIL apporte plus de dynamique dans ses phrasés mélodiques, alternant notes longues et brèves. KORBELL, sur des chansons douces, peut passer sans crier gare des murmures à de la voix pleine et aux soupirs, sans jamais faire de l'excès de virtuosité.

On pourrait faire ce reproche à "Daoulamm ruz", instrumental de guitare très percussive, entre jig et calypso avec de belles idées mais un brin flou par moments. Si la prestation des deux musiciens sur certaines chansons est agréable, les morceaux ne sont pas toujours à retenir d'un point de vue qualité, et Red souffre d'un petit ventre mou. C'est aussi parce que la version de "Bemdez c'houloù" n'apporte pas grand-chose à l'originale. De même, "Turn, Turn, Turn", classique emprunté à Pete SEEGER, est un plaisir que s'offrent les musiciens, joli mais sans se démarquer plus que cela.

Cependant, "Anna" est marquante pour son ton jazzy (ce solo final, excellent !) et pour être le premier texte engagé de KORBELL, dédié à la journaliste russe Anna Politkovskaïa, assassinée un an plus tôt en 2007. Il y a aussi "Bugale Breizh" à ce propos, en mémoire des cinq marins bretons disparus lors de l'accident maritime survenu au large de la Cornouailles anglaise en 2004. Le chant doux au départ devient plus rugueux ensuite, la tristesse fait place à la colère... Remarquable.

Il y a des trésors de folksong originales, comme "Billy", avec ses arpèges en suspension, ses phrasés-harpe à nouveau et dans l'emploi de petits ornements. "Gourin" est tout à l'honneur de Dame KORBELL, comme ébahie pendant qu'elle chante. "Padal", aussi brillante, repose sur une guitare blues et un chant qui lorgne vers le plinn, danse bretonne.

Le final de l'album mérite à lui seul qu'on s'attarde. "Yannick ha Mai" est proposé dans une nouvelle version fleuve, mais ramenée à cinq minutes au lieu de huit, avec une progression plus fluide et une Nolwenn KORBELL impériale, à la fin surtout dans ses envolées qui la rendent, on peut le dire, vraiment craquante. Sexy. Comme "Glav" d'ailleurs, tournée en valse ici, avec une conclusion délicieusement musclée. Sans être totalement réussi, ce disque reste un détour plus qu'intéressant. À écouter, et pas qu'une seule fois !