Les bonnes têtes de nos superstars de la new-wave Martin Fry et Mark White, en noir et blanc sur la couverture de leur cinquième né, ne trompent personne. Voilà un groupe installé qui ne risque pas grand chose, si ce n'est l'oubli momentané dû aux modes qui changent. Rien qu'à voir l'air arboré par Martin, on sait que la partie n'est pas gagnée, mais qu'elle n'est pas perdue pour autant. Il sait que rien n'est fixé, mais que sa bonne étoile le précède partout où il passe, attitude fort rare chez les rock stars, mais qui n'a rien d'égocentrique en ce qui le concerne. Voilà donc, en cette fin de cycle, la nouvelle livraison de la légende britannique.

Deux singles sont chargés de rappeler aux masses laborieuses l'existence du groupe ! "One Better World" apporte un message positif quoique simpliste et forcément racoleur, mais l'efficacité est de mise. Martin Minaude un peu et les orchestrations judicieuses donnent envie de bouger sous les sunlights et autres stroboscopes ! Et oui ! Nous sommes toujours dans les eighties ! La suite, c'est "The Real Thing", drivé comme souvent par une basse nucléaire et très électro funk. Titre dansant qui ne s'embarrasse pas de détails superflus, c'est direct sur le dancefloor et cela passe en cette fin de décennie quatre-vingt, d'autant que les aspects new-wave sont quasi-indécelables au profit d'une pop sophistiquée mais calibrée.

L'introduction est ambient sur "Paper Thin", comme tirée de la B.O. du "Grand Bleu" d'Eric SERRA à la même époque, la voix de Martin fry se chargeant de rétablir l'équilibre : il s'agit bien d'ABC. Douceur et velouté sont ici les maîtres mots, c'est smooth et délicat, comme rarement avec la new-wave, mais ABC sait faire. La sophistication n'est pas loin, très agréable et surprenante, voilà le titre de l'album ! De l'autre côté du spectre, "Never More Than Now" introduit l'opus avec les trademarks habituels d'ABC : basse en avant et des beat cartonnés pleins d'écho et bien sûr des synthés de belle allure, tout ça dans une bonne humeur communicative.

L'évolution rappelle franchement celle des DURAN DURAN en général, comme sur le titre "The Greatest Love Of All". On sent que la capacité à pondre de supers hits n'est pas loin, mais qu'il manque juste l'élan d'une certaine folie et peut-être l'insouciance de la jeunesse. Cela dit, le refrain ne manque pas de panache et flirte avec l'excellence. Comme souvent avec nos magnats de l'alphabet, "Where Is The Heaven" jongle avec les thèmes les plus positifs qui soient, c'est d'ailleurs un des éléments clés de la réussite du duo, cette capacité à proposer de la musique et des paroles d'où se dégage un certain optimisme. On appréciera en outre la qualité des nappes de synthés sur ce beat up - évidemment ! - tempo.

Pas un instant de faiblesse n'est à déplorer sur cette galette qui se tient remarquablement, malgré une usure logique pour un groupe phare de la new-wave. Le savoir-faire du duo est évident et ce contenu sérieux mais festif s'adresse en premier lieu aux rois de la nuit ainsi qu'aux amateurs de musique saine et directe. On regrette toutefois l'absence d'un titre supérieur qui eût pu faire accéder l'album à la division supérieure. Même si "Paper Thin" donne le change, il manque encore un petite quelque chose et ce nonobstant la brieveté du disque, huit morceaux, c'est un peu court, mais ABC reste fidêle à sa légende, un trois solide.