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KRAUTROCK  |  STUDIO

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BRAINTICKET - Cottonwood Hill (1971)
Par AIGLE BLANC le 25 Mars 2020          Consultée 1176 fois

Comme tout courant musical de la sphère rock, le krautrock contient son lot d'artistes incontournables ayant accédé au bien connu 'mur de la renommée', CAN, FAUST, AMON DÜÜL II et NEU! figurant au sommet de l'édifice, tandis que d'autres formations plus obscures fréquentent quant à elles les bas-fonds de la pyramide comme MYTHOS, LIMBUS ou ANNEXUS QUAM.
Au sein de cette famille germanique, BRAINTICKET occupe un rang 'spécial', ni total inconnu ni célébrité internationale. En fait, son prestige, il le doit exclusivement à la puissance peu commune de son opus séminal, le bien nommé Cottonwoodhill, quand bien même le groupe, loin d'en rester là, a sorti 5 autres disques perdus dans les limbes de l'oubli ou de l'indifférence.
La désignation 'krautrock' pourrait paraître presqu'incongrue dans le cas d'un groupe dont le leader Joël Vandroogenbroeck, flutiste et claviériste, est belge, le guitariste Ron Bryer et la chanteuse Dawn Muir britanniques. Quant aux batteur Wolfgang Paap et bassiste Werni Frolich, ils résident en Suisse et non à Berlin, Dusseldorf ou Munich où se produisent les grands noms du krautrock.
Si le succès de BRAINTICKET n'a pas vraiment réussi à dépasser le cap du premier album, c'est peut-être dû à la géométrie variable d'une formation qui, excepté son leader, n'a jamais bénéficié d'une équipe stable assurant l'homogénéité d'une musique à l'identité aussi clairement marquée que celle de ses membres réguliers.

Né en 1938, quand la majorité des artistes issus du krautrock le sont entre 1944 et 1947, le Belge Joël Vandroogenbroeck a étudié d'abord la musique classique avant de se tourner vers le jazz, remportant à l'âge de 15 ans le prix Art Tatum qui fait de lui le plus jeune pianiste obtenant ladite distinction. La deuxième moitié des années 50 et la première de la décennie suivante le voient logiquement entamer une carrière comme pianiste de jazz qui lui offre l'opportunité en 1957 d'accompagner l'orchestre de Quincy JONES au cours d'un festival à Bruxelles, ainsi que l'occasion de concerts en Europe et surtout en Afrique où la Belgique dispose encore d'une colonie congolaise.
Toutefois, la fin des années soixante lui montre la perspective d'une voie différente quand il entend Jimi HENDRIX en 1967 à la radio américaine et découvre la bande-son du film Yellow Submarine par les BEATLES. La vague psychédélique envahit les ondes et les esprits, bientôt suivie par le rock savant de KING CRIMSON et d'EMMERSON, LAKE & PALMER. Joël comprend dès lors qu'il doit emboîter le pas de ces formations émergentes. Quant au barde de JETHRO TULL, Ian Anderson, il lui donne l'envie de ressortir sa flûte. Et c'est alors que la scène krautrock parachève la mutation musicale du pianiste belge, fasciné aussi bien par les délires païens et avant-gardistes de CAN et d'AMON DÜÜL II que par les textures et sonorités de la sphère électronique représentée par TANGERINE DREAM et surtout Klaus SCHULZE que Joël admire depuis qu'il est allé à l'un de ses concerts. Si l'on tient compte aussi de l'inspiration qu'a pu être pour lui le navire HAWKWIND, on peut se faire une idée a priori de l'identité explosive de Cottonwoodhill à sa sortie en 1971, fusionnant funk, psychédélisme, rock et électro.

Le titre mystérieux Cottonwoodhill désigne un espace imaginaire ou symbolique qu'expose ainsi Joël vandroogenbroeck : Au départ, le groupe était si isolé du reste du monde que nous considérions Cottonwoodhill comme un endroit mythique, une île d'où nous serions tous protégés du monde extérieur. De cette idée a germé plus tard le concept selon lequel BRAINTICKET ne serait pas un simple groupe, mais un ilot, un espace, un happening, réunissant des musiciens, des acteurs pour créer quelque chose sur le moment.
C'est donc l'improvisation du jazz qui préside à la construction d'oeuvres discographiques spontanées et hors-norme. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que ce premier album en offre un témoignage particulièrement impressionnant. La musique déployée par le groupe ne laisse aucun répit à l'auditeur embarqué dans un délire bruitiste qui, à défaut de convaincre, le met K.O. Il y a bien entendu la guitare électrique de Ron Bryer, au timbre abrasif et aux riffs d'une constante agressivité, ossature obsessionnelle des 3 titres composant l'album, qu'appuie la basse omniprésente de Werni Frolich. Quant à l'orgue Hammond de Joël Vandroogenbroeck, il confère à l'ensemble la couleur jazzi idéale dans un style virtuose qui rappelle celui de Keith Emerson quoiqu'en plus contrôlé. L'organiste use aussi de sa flûte, élément qui date l'album dans l'ère hippie bien sûr et qui y injecte la touche folk nécessaire. A cette base rythmique des plus efficaces, se greffe la voix de l'anglaise Dawn Muir qui ne chante pas, mais déclame des paroles incantatoires sous haute influence d'acide et autres substances hallucinogènes. C'est ainsi que se déploient les deux premiers titres, "Black Sand" et "Places of Light", le premier dans un esprit funk-rock très convaincant dont la touche dissonante réside dans l'utilisation de ce qui ressemble à l'ancêtre du vocoder déformant la voix de la vocaliste, le second évoluant sur des terres plus marquées par le psychédélisme ambiant autant que par les rêveries hippies délivrées par la flûte.
Le titre "Brainticket" divisé en deux parties de 15 minutes chacune et provenant d'une session différente des deux précédents, fait intervenir dans ce collage sonore délirant les effets électroniques de l'ingénieur du son Helmut Klobe qui exacerbent de façon exponentielle la puissance du propos. Bris de verre, sirène d'ambulancier, klaxons, foule en délire, marteau piqueur, crissements de pneus, moteurs de voitures, alarme de sécurité, déglutitions, martèlements d'enclume, cris de singe, et même un sample de l'introduction de la symphonie n°7 de Beethoven, montés en un collage époustouflant, que module un potentiomètre, emplissent l'espace sonore, tandis qu'un riff de guitare répété inlassablement impulse une énergie que rien ne vient interrompre pendant près d'une demi-heure, à l'exception de la transition entre les deux segments du morceau, double-face du vinyle oblige. "Brainticket" plonge l'auditeur dans le trip d'acide de Dawn Muir qui déclame des phrases contradictoires, des injonctions angoissantes, pousse des cris de souffrance jusqu'à l'asphyxie. Il est impossible de reprendre son souffle dans ce capharnaum monstrueux.

Sa réputation d'album le plus psychédélique de tous les temps, Cottonwoodhill ne l'a pas usurpée. L'expérience est de celles dont on ne se remet jamais. Mais attention aux maux de tête !

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   AIGLE BLANC

 
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- Joël Vandroogenbroeck (orgue hammond, flûte)
- Ron Bryer (guitare)
- Werni Frolich (guitare basse)
- Cosmo Lampis (batterie)
- Wolfgang Paap (tabla)
- Dawn Muir (voix)
- Hellmuth Klobe (potentiomètre, générateurs et effets sonores)


1. Black Sand
2. Places Of Light
3. Brainticket Part 1
4. Brainticket Part 2



             



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