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POPOL VUH - Ave Maria / Sollst (1972)
Par AIGLE BLANC le 22 Février 2024          Consultée 255 fois

Quelle riche et généreuse idée a eue le label espagnol Wah-Wah Records de livrer en 2013 ce 'Single' des plus rares en guise de bonus à sa magnifique réédition vinyle d'Hosianan Mantra (1973) ! Cerise sur le gâteau, les deux titres en question, "Ave Maria" et "Du Sollst Lieben", loin d'augmenter artificiellement la durée du chef-d'oeuvre de POPOL VUH, bénéficient d'une réédition indépendante dans leur format 45-tours initial dont la pochette est la reproduction exacte de celle d'origine. Le fan collectionneur d'Hosiana Mantra a donc la surprise de découvrir dans le fourreau de la pochette ouvrante ce deuxième disque bonus venant prolonger idéalement la magie du 3ème album de POPOL VUH.
Grâce à Wah-Wah Records, il est devenu impossible d'ignorer le lien secret entre la chanteuse coréenne Djong YUN, sous le patronyme unique de laquelle était sorti à l'époque le 'Single' en question, et le groupe munichois fondé et dirigé par Florian Fricke, figure incontournable de la sphère Krautrock pour avoir été notamment l'un des premiers détenteurs du mythique Big Moog Synthétiseur, avant qu'il ne revende 'la bête' à son ami Klaus SCHULZE qui a su lui témoigner sa reconnaissance en produisant en 1981, sous son propre label Innovative Communication, l'album de POPOL VUH Sei Still Wisse Ich Bin.
Lors de sa première édition chez United Artists Records en 1972, un hallo de mystère recouvre le Single Ave Maria / Du sollst lieben de Djong YUN, soprano coréenne vivant à cette époque à Munich, et dont le père Isang YUN, naturalisé allemand depuis 1971 et enseignant la musique à l'Université des Arts de Berlin, a composé notamment 4 Opéras. Baignant par son éducation paternelle dans la musique, c'est naturellement qu'elle prend des cours de chant lyrique en devenant l'élève de Margarethe von Winterfeldt, ni plus ni moins que la professeure de chant de l'immense baryton Dietrich Fischer-Dieskau.
Djong YUN rencontre Florian Fricke lors d'une soirée à Munich. Le leader de POPOL VUH recherche alors une artiste qui accepterait de poser sa voix sur des paroles chrétiennes. La soprano coréenne se plie à l'exercice qui débouche en 1972 sur le Single de cette chronique. Il s'agit en réalité du seul et unique disque qui soit sorti sous son nom. Il est donc inutile de chercher d'autres enregistrements en solo de la dame qui n'avait pas, il faut croire, l'ambition d'une carrière musicale.
Totalement sous le charme de l'organe vocal de la jeune femme, Florian Fricke la convie volontiers à graver sa voix enchanteresse sur le microsillon du chef-d'oeuvre de POPOL VUH Hosiana Mantra, réitérant son invitation sur d'autres opus de son groupe, entre autres Das Hohelied Salomos (1975) et Die Nacht Der Seele. Après 1979, l'indusctrie discographique perd quasiment la trace de Djong YUN retournée entre-temps en Corée.

Les deux pistes du 'Single' sont intégralement créditées à Bettina von Waldthausen qui en assure les compositions et arrangements. C'est d'autant plus troublant que la même Bettina, devenue l'épouse de Florian Fricke, après ce 45-tours de Djong YUN, n'a plus jamais composé un seul titre de sa vie, collaborant avec le groupe de son mari en qualité de photographe (elle a signé quantité de visuels des pochettes souvent magnifiques de POPOL VUH) voire de coproductrice des premiers opus du groupe munichois, les mythiques Affenstunde (1970) et In Den Garten Pharao (1971).
Ne nous leurrons pas si nulle mention n'est faite des musiciens ayant officié sur ce Single sans descendance. Il est impossible à tout adepte de POPOL VUH de manquer les similitudes 'assourdissantes' entre le son de cet enregistrement et celui d'Hosiana Mantra. Comment ne pas reconnaître le piano recueilli de Florian Fricke ni la guitare électrique magique de Conny Veit? Le violon et le hautbois sont probablement assurés respectivement par Fritz Sonnleitner et Robert Eliscu. Si, encouragé par le site musical Discogs, on mentionne au poste de producteur le nom de Frank Fiedler, musicien fidèle de POPOL VUH qu'il a accompagné durant toute sa carrière, alors nous avons affaire ici quasiment à la formation à l'oeuvre de Hosiana Mantra. Vous comprenez à présent pourquoi j'ai pris la décision d'enregistrer ladite chronique sous le patronyme de POPOL VUH et non celui de Djong YUN.
Admirateurs d'Hosiana Mantra, précipitez-vous les yeux fermés sur ce 45-tours 2 titres, que Wah-Wah Records a joliment remasterisé, et vous y entendrez le précurseur de votre disque préféré. La soprano Djong YUN déverse sur "Ave Maria" (à ne pas confondre avec l'opus éponyme de Frantz SCHUBERT) une cascade de vocalises diaphanes que soutient l'exquise guitare électrique de Conny Veit dont le doigté toujours aussi dentelé fait déjà merveille. A l'intense dynamique du piano de Florian Fricke, s'entremêlent les accents champêtres du hautbois de Robert Eliscu et les ondulations caressantes du violon. A la fin, quand la masse instrumentale, collectivement mobilisée, se déploie en un feu d'artifice bigarré, "Ave Maria" atteint son acmée digne des moments les plus extatiques d'Hosiana Mantra.
"Du Sollst Lieben" en face B n'a rien à envier à la piste précédente. S'y déploie la magie d'une atmosphère statique où le chant de Djong YUN, gorgé de félicité, flotte dans les limbes du Printemps éternel, à mille lieues des angoisses d'ici-bas.

Les deux titres ravissent tellement nos oreilles que leur complexité harmonique passe avec une évidence confondante. Loin de clarifier cette divine musique, l'étonnante production de Frank Fiedler la noie dans un mur du son où s'entrelacent polyphoniquement les instruments, livrant un résultat qui, plutôt que d'évoquer les productions légendaires de Phil SPECTOR, ne manque pas d'établir un lien inattendu, mais ô combien évident a posteriori, avec la production des deux chefs-d'oeuvre de COCTEAU TWINS, les bien nommés Victorialand (1986) et Heaven or Las Vegas (1990) chroniqués à Forces Parallèles, devenus les meilleurs représentants du sous-courant de la Pop connu aujourd'hui sous l'appellation Dream Pop. On y retrouve un traitement sonore qui magnifie les harmonies jusqu'à créer un univers de magie ensorcelant. La voix de Djong YUN se voit elle-même traitée à la manière de celle d'Elizabeth Fraser, chanteuse émérite du groupe écossais de Robin Guthrie, c'est-à-dire comme un véritable instrument fondu dans le tapis sonore. En élargissant le faisceau des influences, pourrait-on jusqu'à envisager le son de POPOL VUH tel que déployé ici comme influence probable de la scène anglaise Shoegaze, née à la fin des années 80, avec des groupes comme RIDE, MY BLOODY VALENTINE, LUSH ou SLOWDIVE? Notre cher ami Seijitsu pourrait nous dire ce qu'il pense de ce rapprochement qui mériterait bien une étude plus approfondie.

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   AIGLE BLANC

 
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- Djong Yun (chant)
- Florian Fricke (piano)
- Conny Veit (guitare électrique)
- Robert Eliscu (hautbois)
- Fritz Sonnleitner (violon)


- face A
1. Ave Maria
- face B
2. Du Sollst Lieben



             



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