En 1977, Pete Townshend des WHO et Ronnie Lane de SMALL FACES/FACES puis SLIM CHANCE enregistrent un album commun, Rough Mix, très apprécié de leurs fans respectifs, communs dans beaucoup de cas. Pour plus de commodité, nous le rangeons avec la discographie solo de Pete TOWNSHEND qui en a de toute façon composé plus de la moitié seul, alors que Ronnie LANE est le plus souvent aidé ou pioche dans son répertoire d'anciens disques en groupe.

Et pour cause ! Le pauvre LANE traverse une période hautement difficile, entre la tournée 74 de SLIM CHANCE, "rock circus" qui s'est soldé par un gouffre financier (il en va rarement autrement, notre Johnny HALLYDAY national pouvait témoigner) et le fait qu'au moment d'enregistrer l'album avec TOWNSHEND, il apprend qu'il doit désormais vivre avec une sclérose en plaques. Elle l'emporte vingt ans plus tard, en 1998.

Le caractère hybride de l'album, parfaitement visible, participe à sa qualité selon les afficionados. Rappelons que les deux hommes se sont rapprochés quelques années plus tôt en suivant les préceptes de feu Meher Baba et ont collaboré sur des albums-hommages au gourou. En toute logique, leurs paroles ici, surtout du côté de TOWNSHEND (question d'habitude !), sont fortement imprégnées de l'enseignement Meher Baba.

Les deux amis jouent de tous les instruments à cordes, et selon les morceaux, sont épaulés par de nombreux amis. Le duo folk (Benny) GALLAGHER AND (Graham) LYLE par exemple, qui a participé au premier album de SLIM CHANCE aux côtés de Ronnie LANE. Ils figurent sur "Annie", titre composé par ce dernier avec Eric CLAPTON, qui du coup vient jouer de la guitare acoustique. Il est aussi au dobro sur deux autres titres, et bien sûr à l'électrique sur l'instrumental "Rough Mix".

Charlie Watts, batteur indéfectible des ROLLING STONES et Ian Stewart, leur pianiste de l'ombre, sont conviés sur "Catmelody". Pour les deux derniers titres de l'album, la section rythmique est formée par le musicien de session Henry Spinetti, ainsi que le bassiste "Boz" Burrell, également chanteur pressenti pour remplacer Roger Daltrey au sein des WHO à une lointaine époque. Chose très amusante et référence typiquement 70's oblige, entre Boz et le saxophoniste Mel Collins, cela élève à deux le nombre d'anciens membres de KING CRIMSON pour ce disque, mais pas sur le même morceau ! Il y a encore quelques amis fidèles, le chanteur Billy NICHOLLS, le claviériste John "Rabbit" Bundrick et un John "The Ox" Entwistle tout sauf bassiste pour le coup.

En fait, le listing de musiciens présents suffit presque à décrire le ton de l'album, une récréation musicale, comme en témoignent les rock'n'roll "Catmelody" et "My Baby Gives It Away", respectivement de LANE et de TOWNSHEND. Mel Collins, Ian Stewart et Charlie Watts y font merveille, les parties de guitares du premier titre nous enchantent. Cependant, niveau composition, on verse entre le sympathique et le très bon.

Le rhythm'n'blues festif de "Rough Mix" est propice aux riffs claptoniens, alors que "Annie" (LANE), "Keep Me Turning" ainsi que "Nowhere to Run" (TOWNSHEND) versent dans une belle tonalité folk/country, parfois plus britannique qu'américaine. La délicatesse de "April Fool", superbement arrangée, reste préférable à l'ambitieux "Street in the City" de TOWNSHEND et ses cordes riches. Choriste sur "Till the Rivers All Run Dry" (reprise de Don WILLIAMS), John Entwistle pose des cuivres sur "Heart to Hang Onto", où LANE et TOWNSHEND se rejoignent mieux qu'ailleurs. Un titre d'autant plus fort qu'après la mort de LANE en 98, TOWNSHEND chantera régulièrement ce titre à sa mémoire, seul à la guitare pendant les concerts des WHO.

Réunion de talents et même plus que ça pour ceux qui l'adorent, aussi solide qu'intéressant sur le plan musical, diversifié même, Rough Mix reste, d'un avis personnel, un bon disque où les morceaux peinent à marquer durablement.