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FUSION TOULOUSAINE  |  STUDIO

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ZEBDA - Le Bruit Et L'odeur (1995)
Par RAMON PEREZ le 11 Mai 2020          Consultée 1826 fois

Le bruit et l’odeur, c’est bien-sûr ce discours de sinistre mémoire de Chirac qui lançait à cette occasion la grande opération de braconnage de la droite sur les terres du FN, avec le succès que l’on peut mesurer aujourd'hui – vérifiant ainsi la prémonition du borgne, au lendemain de cette diatribe, selon laquelle on préférerait toujours l’original à la copie. En gros, les familles immigrées (comprendre noires et arabes ainsi qu’il le précise lui-même) importunent les braves travailleurs français dans les HLM. Le bruit et l’odeur, c’est aussi la réponse venue de Toulouse quelques années plus tard, peu après l’intronisation du corrézien à la présidence. Ce deuxième album, qui nationalise davantage le propos, va permettre à ZEBDA de véritablement gagner en audience, avant de tout exploser à la livraison suivante.

Cette réponse, on peut l’entendre à deux niveaux. Comme une réplique directe au discours précité (qui est d’ailleurs samplé à la fin du morceau, histoire d’être au clair) avec la chanson titre, solide plaidoirie par maitre Magyd en faveur de la population attaquée. Mais on peut aussi voir l’album dans son ensemble comme une réaction, mieux, comme une étude, à la limite de la sociologie, qui vient argumenter un autre discours politique que celui de Chirac. C’est probablement là l’immense différence entre Magyd CHERFI (qui écrit tous les textes) et l’essentiel des autres paroliers issus des banlieues qui misent davantage sur le choc frontal plutôt que sur l’analyse.

Une chose en particulier ne passe pas, c’est l’idée que le père de famille immigrée ne fait rien d’autre que des gosses histoire de toucher les allocs "sans naturellement travailler". En tant que représentants de la deuxième génération (qui a vu la première se tuer au boulot pour trois clous), c’est dur à avaler pour les trois qui tiennent le micro. "Qui a construit cette route, qui a bâti cette ville, qui l’habite pas ?". ZEBDA règle rapidement son compte à l’idée de défaut d’intégration pour tourner le regard vers les processus d’exclusion à l’œuvre. Il n’y a pas que la Garonne à séparer la rue St Rome du Mirail, mais aussi un mur culturel, social et géographique savamment entretenu par les notables d’un côté (on ne parlait pas encore de gentrification à l’époque, mais l’idée est bien présente dans "Toulouse") ainsi que par ceux qui voient dans l’émancipation une trahison à la communauté de l’autre. La grande idée de ZEBDA, à savoir que les classes populaires ne sont pas condamnées aux métiers manuels mais peuvent elles aussi viser une promotion sociale par l’instruction et l’accès à des activités intellectuelles, est fortement exposée ici. De même que ses limites et adversaires, y compris ceux venant de ces milieux ("Taslima", "Héréditaire").

Si le groupe craque une fois en déversant de manière primaire son dégoût de "La bête" (le borgne), on retrouve ce recul à peu près partout. L’impact du discours n’en n’est que plus renforcé. Inventaire du règne socialiste qui vient de se terminer ("Le bilan"), éducation, délinquance… De nombreux aspects concernant la vie des milieux populaires y sont disséqués, jusqu'aux pans beaucoup plus positifs. Le bruit et l’odeur par exemple, sels de la vie, eux ils aiment. De même que le football "qui régale et rigole". Sans oublier de parler des élans quotidiens de solidarité : "Spécial dédicace à ceux qui jouent collectif" !

Mais ce qui décuple vraiment l’impact de ce discours, c’est avant tout le versant musical de l’ensemble. Comparé à l’album précédent, les toulousains ont carrément franchi un palier de ce côté. Ils sont devenus un chaudron où infuse un mix d’influences très diverses (d’ailleurs à l’époque on qualifiait volontiers leur style de "fusion") qui rend un mélange parfaitement unique. A la confluence de différents mouvements qui ont parfois pu compter ZEBDA comme des leurs, à l’image de la deuxième vague alternative (du style MANO NEGRA) ou de la scène régionaliste (MASSILIA). Mais il y a aussi des liens évidents avec la chanson française ou le hip hop. Le gros de l’album est basé sur un reggae/dub énergique, parfumé au chaâbi mais aussi au violon tzigane ou à l’accordéon. Sans oublier des plans bien lourds de guitares électriques. Crois-le ou non, mais cet album a largement circulé à l’extérieur de nos frontières, écouté par des gens qui n’avaient aucune idée de ce qui était raconté. Parce qu’en plus du message véhiculé, Le bruit et l’odeur était à l’époque un disque tout à fait novateur, à la force musicale inégalable.

Alors tout n’est pas parfait. Il y a une ou deux choses plus anecdotiques. Surtout, l’album est assez marqué par son époque, malgré un propos général qui demeure complètement d’actualité - ce qui lui permet d’être entendu avec la même pertinence. Il faut avoir en tête un sacré paquet de références historiques pour tout saisir et une partie des chansons est de toute façon périmée. La gare Matabiau n’a plus rien du refuge chanté dans le morceau, la rue St Rome actuelle ferait passer pour une artère de souk celle décrite ici et cela fait bien longtemps que les lions indomptables ne font plus rêver personne. Mais ce sont des broutilles par rapport à l’important : on a ici le vrai ZEBDA, dans toute la force de son identité. Ou disons celui à l’état brut. Celui qui n’avait pas de statut à assumer, qui était en train de construire son propos (y compris musical) plutôt que de le peaufiner. A cet égard, si Le bruit et l’Odeur n’est peut-être pas leur album le plus réussi, il reste certainement leur plus important.

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   RAMON PEREZ

 
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- Rémi Sanchez (claviers, accordéon)
- Joël Saurin (basse)
- Vincent Sauvage (batterie)
- Pascal Cabero (guitares)
- Mouss Amokrane (chant)
- Hakim Amokrane (chant)
- Magyd Cherfi (chant)


1. Toulouse
2. Taslima
3. La Faucille Et Le Marteau
4. Le Bruit Et L'odeur
5. La Bête (j-m-l-p)
6. France 2
7. Maanouche
8. Le Bilan
9. Chômage
10. Mon Père M'a Dit
11. Matabiau
12. Dub Du Village
13. Ma Rue
14. Basket Bolk
15. Cameroun
16. Héréditaire
17. France Dub



             



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