Quand Steve VAI débute sa carrière solo en enregistrant Flex-able , le jeune guitariste de 24 ans a déjà un parcours hors du commun. Passionné de musique dès son plus jeune âge, il est le disciple 3 ans durant de Joe SATRIANI (lui aussi vivant à New-York à l'époque), suit une formation à la prestigieuse Berklee School of Music et intègre le groupe de Frank ZAPPA. Fort des ses expériences et grâce aux profits des tournées avec ZAPPA, désormais devenu son mentor, il s'installe à Los Angeles. Il fabrique alors son propre studio qu'il baptise Stucco Blue Studio et en 1984 enregistre son premier album.

Au départ, le projet n'a rien d'officiel, VAI considérant ses premières ébauches comme des farces réservées à ses amis. N'ayant aucune volonté de se vendre, le guitariste donne libre cours à son imagination créative et finalement construit ce qui devient peu à peu Flex-able ; un album pour lequel il crée son propre label Akashic Records. Aux dires du guitariste, la création de Flex-able est une sorte d'exutoire à une période de sa vie difficile. C'est donc sans surprise que cette œuvre semble un terrain de jeu d'expérimentations tant techniques que mélodiques, où la personnalité très complexe et parfois excentrique du musicien s'exprime pleinement, et sans esbroufe aucune !

L'auditeur, si peu familier soit-il avec l'univers de Frank ZAPPA, a tôt fait de remarquer que ce premier essai discographique en solo se voit truffé d'éléments sonores directement tirés de la palette de couleurs du maître (qui lui a d'ailleurs offert beaucoup de matériel pour construire son studio). Usage de métries rythmiques atypiques, orchestrations touffues et effets sonores variés, sont autant d'éléments qui confortent cet héritage. D'ailleurs, cela se fait entendre aussitôt avec "Little Green Men" qui ouvre le ballet de la plus fantastique des manières. Entre reprise du thème de Rencontre du troisième type* et clin d’œil évident à "The Legend of the Golden Arches" de Frank ZAPPA**, VAI s'autorise déjà toutes les excentricités pour construire avec brio l'un des morceaux les plus réussis de sa carrière.
L'influence du fameux moustachu est aussi palpable sur "Salamanders in the Sun", dont l'orchestration féerique et les saillies guitaristiques enchanteresses sont des plus charmeuses. VAI exprime déjà un goût prononcé pour l'usage de multiples pistes qui rendent ses compositions denses et ornementées de nombreux effets en tous genres ; cela témoigne une fois encore d'un atavisme artistique aussi évident que touchant.

Il ne faut pas s'y tromper, VAI parvient réellement à transcender cet univers musical dans lequel il a baigné. Si on déplore une fin d'album moins prenante, Flex-able ne manque pas d'effets de surprise : citons "Viv Woman" et son humeur entraînante, "Lovers Are Crazy", ballade aux paroles assez décalées. Mais c'est surtout le désormais emblématique "The Attitude Song", initialement composé pour ALICE COOPER, qui marque les esprits avec son groove funk-rock virtuose inimitable !

Derrière l'image assez loufoque et extravagante que véhicule Steve VAI à l'époque, Flex-Able révèle un musicien sensible et mature, dont les compositions sont déjà d'une grande richesse. Bien que Steve VAI tâtonne encore et s'empare de beaucoup d'éléments esthétiques de son mentor, il parvient réellement à faire de Flex-able un album unique et profond.

* Une B.O signée John WILLIAMS.
** Voir l'album Uncle Meat.