Quai N°7 se pose effectivement en septième position dans la discographie de Gwenael KERLEO, si l'on compte la toute première cassette de 1994 ainsi que la compilation de 2010. L'artiste bretonne a fait en sorte que ce soit un album différent : tout en chansons.

Les trois premiers titres sont d'une qualité telle qu'ils nous convainquent pleinement de ce choix judicieux. "Vivre", ode au moment présent et à la liberté, est d'une énergie vivifiante, avec une mélodie efficace et bien écrite, tout comme celle du "Jeu des amants", passionnée avec des paroles dédiées au rapprochement amoureux, même hésitant, même malhabile, dans le but qu'au moins il se crée.

Les deux morceaux sont des tempos chaloupés ou enlevés, d'inspiration jazz-world dans les rythmiques, mais avec de magnifiques arrangements de cordes et soli de uilleann pipes (ou duos avec low whistle) par Kevin Camus. Une fois de plus, Gwenael KERLEO fait preuve de finesse, d'application et il est difficile de ne pas se sentir soi-même un peu amoureux, en tant qu'auditeur. Sans oublier la voix qui a ce côté "Véronique SANSON bretonne" et avec plus de douceur, définitivement idéale pour un morceau comme "Le jeu des amants"...

On retrouve le caractère jazzy smooth dans une inspiration celtique sur d'autres titres, comme "Dibab Mat", dans certaines suites d'accords colorées, ou même encore sur l'instrumental "Quai N°7", qui reprend le reel traditionnel "Maids of Mount Cisco". Alan STIVELL en avait fait une version explosive et génialissime appelée "Cease Fire" sur son album Brian Boru plus de vingt ans plus tôt, mais celle de mademoiselle KERLEO n'est pas en reste !

Dès "Brand New Skies", la harpe de l'artiste, utilisée comme rythmique ailleurs de façon régulière, déroule ses arpèges cristallins pour orner une mélodie fragile, belle. La chanteuse use de mots anglais comme elle le fait indifféremment de mots bretons ou français. "The River", l'autre ballade en anglais, s'écoute le plus sereinement possible et l'inspiré Kevin Camus se fend d'un double solo de cornemuse irlandaise.

"Les pieds dans le sable" et "Je livre à la pluie" se savourent pour une autre forme de poésie, un chant toujours caressant et délicat, à l'image des airs et arrangements. Le texte de "L'enfant" est particulièrement marquant, avec cette tendance de Gwenael KERLEO à déclamer les obligations ("faut qu'il sache, faut lui dire...") de manière sensuelle, sur un ton implorant ou désespéré, comme si le fait de les dire déclenchait automatiquement le signal d'urgence afin de se raccrocher au rêve. Une chanson parfaite pour terminer l'album !

Quai n°7 demeure lui-même magnifique dans sa globalité, et un élément de choix dans cette discographie déjà bien fournie. On peut juste lui reprocher de délaisser les rythmes enlevés dès le milieu de l'album pour se concentrer sur les ballades, bien qu'elles soient toutes réussies.