Autant le dire d’emblée, ce disque, le dernier de la série des rapports annuels, est le plus abouti, le plus parfait concentré de folie primitive propre à THROBBING GRISTLE.

L'œuvre ouvre les hostilités avec un titre nommé "IBM", sorte de lamentation informatique alimentée par les vomissements de guitare à la Cosey. La recette du précédent opus est appliquée ici avec un esprit de synthèse rare. Sur le titre "United", reprise du single de 77, l’esprit de synthèse est poussé jusqu’à l’absurde puisqu’il ne s’agit que d’un rembobinage du tube précité.

Mais gare à aux apparences : il y a dans D.O.A beaucoup d’émotions, de poésie et, in fine, de musique. A commencer par les quatre titres individuels.

Si Peter CHRISTOPHERSON est "Sleazy" avant tout, c’est bien ici, sur "Valley Of The Shadow Of Death", qu’il le démontre entièrement. On sent sur ce titre traînant, presque visqueux, le parfum du futur COIL de Scatology.

"Weeping", ou le chef-d’œuvre de Genesis P-ORRIDGE. Violons passés à la moulinette d’un space echo et voix délicieusement monocorde. Souvenirs d’enfance où, dans le grenier familial, celui qui s’appelait encore Neil Andrew Megson improvisait sur un violon qu’on imagine volontiers désaccordé.

"Hometime". Probablement le plus lumineux moment de l’aventure. Un film d’horreur planant qui finit bien et sous les rires larmoyants d’enfants qui se sont fait très peur tout au long d’une improvisation bien psychédélique à la guitare électrique. Un titre plein de douceur étrange signé Cosey Fanni TUTTI.

Le discret mais très actif Chris CARTER nous offre un pur moment de bonheur analogique avec le très coloré "AB/7A", hommage direct à KRAFTWERK et à toute la scène Krautrock.

On revient au collectif avec ce qui devint très rapidement un standard du groupe, à savoir "Hamburger Lady" ; son nihilisme nonchalant, ses nappes de synthés façon gaz de voitures autour d’un drive-in de banlieue industrielle. Ce vrai témoignage de décrépitude avancée est inspiré d’une lettre d’un certain Dr. Al Ackerman, dans l’Oregon ; peut-être un ami imaginaire. Les paroles sont à l’image d’un monde en phase terminale d’auto anéantissement : 'She’s okay if you change the tubes / Tubes in her legs, the tubes in her arms / Then the medic came and when he came out and saw / One of the burn nurses at the desk / She was eating a can of chilli-mac / And he flashed on the carpet, he flashed on the floor'.
Un tube de chez Industrial Records, ni plus ni moins.

La dernière partie, avec son redoutable enchaînement entre menaces de mort sur répondeur, l’exemplaire et parfaitement saturé "Wall Of Sound" et le vomitif "Blood On The Floor", nous achève.
Cela dit, au cas où nous serions encore en vie, restent "Five Knuckle Shuffle", un des plus beaux témoignages de la primitive radicalité de THROBBING GRISTLE, et "We Hate You (Little Girls)", sans l’ombre d’un doute le morceau faisant office de repoussoir ultime. Ambiance de porc émasculé sans morphine.

Mais peut-être que le moment le plus jouissif et mémorable reste le titre éponyme, "Dead On Arrival". Un beat, un accord robotique, une guitare vrombissante et un violon tranchant comme une lame de rasoir. D’une certaine manière, un hymne à la vie.

Définitif.