Il faut prendre le temps de réaliser ce que représentaient le soft rock et l’AOR en ce début d’années 80. Je parle de la domination des charts, pas moins. Voyez donc les SURVIVOR et leur "Eye Of The Tiger" à la même époque. C’est sur les cendres du groupe funk RUBICON, à la fin des seventies, que le chanteur bassiste Jack Blades, le batteur chanteur Kelly Keagy et le futur king du vibrato Brad Gillis mettent en place un nouveau groupe. Ils s’enrichissent du claviériste Alan Fitzgerald et du futur king du tapping à 8 doigts, le seul et unique Jeff Watson. C’est donc un groupe pour les gratteux car il y a dans cette disco à boire et à manger pour tous les guitaristes de la création. C’est suite à l’expérience de Brad dans le OZZY band, suite au décès de Randy Rhoads, que sort ce premier album.

La plupart des compositions sortent de la basse de Jack Blades, qu’on retrouve souvent au chant comme sur le premier single "Don’t Tell Me You Love Me" au rythme bien trépidant et à l'ambiance clairement hard FM. Avec des rythmiques bien senties, les synthés AOR imposent logiquement leur sceau dès ce début. Franchement sympa, la mélodie le fait bien et les deux solistes font immédiatement le job. La batteur Phil chante cependant sa chanson en deuxième single "Sing Me Away" avec un riff anthologique qui mérite sa place au panthéon du genre. Toutes ces grattes délirantes ont le mérite de me mettre en joie. Allez, c’est moins la fiesta aujourd’hui, les gars, non ? D’ailleurs tiens, j’ai pris la mienne sur les genoux pour jouer un peu avec eux tout en écrivant, c’est tout simple, tout con mais quel pied !

Phil Keagy apporte deux autres compositions à ce premier album : il chante sur "At Night She Sleeps" qui reste bien efficace, mais le refrain me semble aujourd’hui trop daté – surtout avec les effets super cheap de synthé – puis sur "Young Girl In Love", à l’architecture comparable, autant de titres sympas, parfaitement dans l’ordre des choses et qui ne proposent donc rien de révolutionnaire, bien au contraire ! Phil chante aussi la compo de Jack – signe évident de la bonne entente entre les musiciens - "Penny", il semble particulièrement bien placé pour chanter les titres les plus AOR, alors que Jack serait un brin plus 'méchant' ? L’avenir nous le dira.

C’est donc Jack Blades qui règne en patron sur le reste de l’opus. Le power slow "Call My Name" est construit sur une base piano basse assez quelconque, mais j’aime bien le bridge central à la RUSH. "Eddie’s Comin Out Tonight" avec sa construction progression au synthé et son refrain très typé AOR, la fin en apothéose de six cordes est bien fendarde. Phil et Jack partagent le chant sur "Can’t Find Me A Thrill", qui proposent quelques sonorités PURPLEiennes. Pas mal d’emphase sur "Play Rough" qui manque certainement d’originalité, et ou Jack se contente de donner un minimum d’agressivité. Enfin, l’éponyme "Night Ranger" est toute en devers, sans doute assez cheap pour des oreilles peu accoutumées au son AOR de ces années. Signalons-y une très jolie fin en forme de cavalcade !

L’efficacité est de mise, le groupe agit plutôt comme un 'supergroupe', chacun semble contribuer à sa pierre pour construire l’édifice le plus solide possible. Les deux chanteurs remplissent parfaitement leur office et les deux gratteux rivalisent de personnalité alors que le claviériste enrichit avec constance l’ensemble. Ce premier album ne contient pour l’instant pas de titres classiques, malgré des instants fort agréables et je reste donc sur un trois de bon aloi pour débuter la discographie des rangers de la nuit.