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Robert CALVERT - Captain Lockheed & The Starfighters (1974)
Par PSYCHODIVER le 3 Novembre 2022          Consultée 1169 fois

Le rock a engendré bien des icônes. Des artistes au sens bien compris du terme, manifestant chacun et à leur façon un esprit créatif et un sens de l'audace qui forcent le respect. De grands personnages qui n'auront jamais fini d'alimenter les querelles de fans.
À quoi reconnaît-on une icône ? À sa manière de manifester son talent ? À la nature confidentielle ou fédératrice de son œuvre ? À ses prises de position ? La liste des critères de sélection est infinie. À chacun ses héros. Sachez donc que le mien, parmi une poignée de personnages que j'estime de valeur (au hasard : John Lydon, Klaus Dinger, H.F THIEFAINE, Ric Ocasek, J.J Burnel, Donald Roeser, Roger Waters, Lemmy...) est un des plus obscurs et inclassables qui soient : Robert Newton Calvert.

Natif de Pretoria, il a deux ans lorsque sa famille s'installe en Albion. Fasciné par l'aviation (enfant, il passe son temps à observer les appareils présents sur la base américaine du coin), il s'engage dans l'armée de l'air où il termine caporal, mais voit ses rêves de pilote de chasse compromis par une oreille défaillante. C'est dans la poésie (Bob en était passionné et particulièrement par l'œuvre d'Ezra Pound) et le théâtre de rue qu'il va s'épanouir, jusqu'à sa rencontre au milieu des 60's avec Dave Brock et Nik Turner (les deux revendiquent chacun de leur côté la découverte de Mad Bob). S'ensuivent les débuts tonitruants de l'aventure HAWKWIND où Bob se révèle l'un des plus grands frontmen et songwriters de son temps. Mais, comme le disait si bien Aristote en son temps, Il n'y a point de génie sans une once de folie. En effet, Robert Calvert fait assurément partie des rockeurs les plus allumés ayant existé. Paranoïaque halluciné à la bipolarité volcanique, il cumule les internements psychiatriques dans la décennie 70, le premier d'entre eux survenant après Space Ritual où, complètement torché et pas aidé par sa santé mentale développée plus haut, il se lance dans un duel épée/Rickenbacker face à Lemmy. Sacrée époque. C'est une fois sorti de l'hosto qu'il compose son premier album solo.

Captain Lockheed & The Starfighters paraît en 1974. Via ses affiches promotionnelles, il ne passe pas inaperçu. Rapace posé sur le bras, groupie SS à genoux et à ses côtés, uniforme noir et croix de fer en évidence, stoïcisme de rigueur, sans les cheveux longs, Mad Bob ferait presque penser à Hans Ulrich Rudel, l'as de la Luftwaffe à l'époque exilé en Amérique du Sud. Reconnaissons tout de même qu'entre le retour du Führer sous les traits de Ron Maël des SPARKS (John Lennon a failli ne pas s'en remettre lorsqu'il vit l'intrigant moustachu en direct à la télé) et les membres du BLUE ÖYSTER CULT qui sèment la mort parmi les alliés au-dessus de la Westphalie à bord d'un Messerschmitt 262, l'année 1974 fut celle de tous les dangers au gré des provocations militaristes de sinistre mémoire. Il n'y avait aucune raison pour que la meute de british la plus borderline ne se joigne pas à ce carnaval.

L'origine de cet album concept est un scandale qui n'a pas encore éclaté mais qui pourtant a fait des ravages en RFA (et continuera à en faire jusqu'à la fin des années 80). Le responsable ? C'est la firme Lockheed et son 104 Starfighter, qui ne tardera pas à se voir attribuer le surnom de 'faiseur de veuves'. Un chasseur à la fiabilité très controversée dont la Nouvelle Luftwaffe (au passage recréée de toutes pièces par les États-Unis) fit l'acquisition, malgré les réserves et les mises en garde d'Erich Hartmann, autre champion des airs sous la bannière du Reich. Bientôt, entre des poignées de mains dégueulasses à force de tripoter de l'argent sale et des pots de vins millésimés en abondance, allaient survenir des accidents en pagaille, pour la plupart mortels (sont officiellement recensés 282 crashes et 116 pilotes tués, sans compter une bonne dizaine de victimes civiles au sol). Ce scandale ne fait réellement parler de lui qu'en 1976. Ses répercussions se mesurent également jusqu'aux Pays-Bas, en Italie et au Japon où l'on assiste à un véritable Watergate (comme c'est étonnant, un pays mort depuis 1947 via la réécriture de sa constitution par les USA !).

Qu'une bande d'Anglais déjantés ait pu anticiper pareille sale affaire bien avant la presse mainstream laisse plus d'un musicos bouche-bée, notamment un certain Jello Biafra le premier, fan devant l'éternel de HAWKWIND et dont les méthodes d'investigation de Bob Calvert (dossiers classés dans des cantines, coupures de journaux, enregistrements audios) vont l'inspirer dans le cadre de ses futures productions de pourfendeur musical du crime en col blanc. La corruption des élites, les institutions nids à salopards et la mort de tous ces pilotes affectent et révoltent Mad Bob qui jamais n'a dissimulé son anarchisme (il renvoyait Churchill et Hitler dos à dos) et s'est surtout pris de compassion envers les victimes dont il partage la passion des airs et dont il aurait pu faire partie s'il était né de l'autre côté du Rhin.
Au programme de ce disque : des yankees véreux, un ministre de l'air germanique complètement demeuré et se prenant pour le fils spirituel de Goering et des recrues de tout horizon, certaines moins futées que d'autres, mais qui pour la plupart connaîtront un sort funeste. Top Gun, c'est décidément trop hollywoodien.

S'il vous fallait une preuve suffisamment éloquente pour réaliser à quel point la scène de Ladbroke Grove fut d'une créativité sans pareille ainsi qu'un des plus prolifiques réservoirs à talents, l'écoute de Captain Lockheed est vivement recommandée. Doté d'un son garage divinement accrocheur, l'album enchaîne les morceaux de bravoures et les délires avant-gardistes, le tout entrecoupé de sketchs noirs dont l'inspiration est à chercher du côté des légendaires Monty Python. Si les interludes sont assurés par Mad Bob et quelques-uns des invités en provenance de l'underground poético urbain, la musique repose sur le line-up complet d'HAWKWIND (sauf le claviériste Dik Mik, ayant fait ses valises une fois Space Ritual bouclé). On signale également la présence de Paul Rudolph, leader des non moins géniaux PINK FAIRIES et du God of Hellfire, prince des maquillages faciaux pour l'éternité, Arthur Brown. Le son est confié à deux pointures. L'excentrique Roy Thomas Baker, futur producteur attiré des excellents CARS et qui collabora avec NAZARETH et QUEEN. Enfin, c'est un Brian ENO tout juste viré de ROXY MUSIC qui contribue à l'enrobage électronique. Le monsieur est ici crédité par son identité intégrale, Brian Peter George Saint-John Le Baptiste De La Salle Eno. Mad Bob avait également souhaité, en vain, la présence de la fascinante et tourmentée Nico au casting.

Après une ouverture sous forme de fanfare militaro-radiophonique agrémentée de sons mécaniques, une rythmique massacreuse nous cueille sans prévenir. Ceux qui avaient eu les cervicales sectionnées par les singles protopunk acérés d'HAWKWIND publiés à la suite de Doremi Fasol Latido (l'immense "Urban Guerilla" en tête) seront hachés menus sur place. "The Aerospacage Inferno" tout comme "The Right Stuff", époustouflants joyaux hard-punk survoltés, dominés par des guitares tranchantes et épileptiques, ne leur feront pas de cadeau. Deux morceaux que Dave Brock et ses freaks iront régulièrement reprendre sur scène à l'avenir. Le très rock'n'roll "The Widow Maker" annonce ni plus ni moins les aventures solo de Lemmy et un "Overkill" qui va tout dévaster d'ici cinq ans. "Hero With A Wing" est beaucoup plus typé space-rock et aurait autant eu sa place sur le futur Hall of The Mountain Grill des HAWKS que sur le 25 Years On des HAWKLORDS. Quant au catchy et décomplexé "Ejection", il s'agit d'un des fameux singles post Doremi Fasol Latido écrits par Mad Bob. Les fans des HAWKS le connaissaient donc avant la parution de Captain Lockheed. Les deux segments de "The Song Of The Gremlin" donnent carte blanche à Arthur Brown et à ses vocaux de psychopathe, bien soutenus par un usage sans modération d'éléments électroniques bizarroïdes. L'album se referme sur la procession funéraire de "Catch A Falling Starfighter" aux chœurs militaires.
Une chose est en tout cas certaine : si l'anglais demeure pour vous un mystère et que vous vous foutez éperdument des textes, alors vous allez perdre une grande partie de l'expérience schizophrènique procurée par ce disque tiraillé entre comédie musicale assassine et hommage vibrant à l'héroïsme des as de l'aviation teutonique. Deux œuvres en une, matérialisation de l'instabilité mentale d'un artiste unique.

Captain Lockheed & The Starfighters est une pépite assez hors-norme, comme seules les 70's en ont engendrées. Susceptible de retenir autant l'attention des hardos fan du BÖC, de MOTÖRHEAD, comme des punks désireux de savoir d'où vient leur musique favorite et des amateurs de krautrock burné pour qui le deuxième opus de NEU! fait figure de Bible. Il demeure encore aujourd'hui l'album le plus emblématique de Robert Calvert. Réputation dûe à la participation des membres d'HAWKWIND à ce projet. Mad Bob revient très rapidement en studio mais sans parvenir à réitérer la réussite de ce cru de 1974. Il lui faut attendre les maudites 80's pour à nouveau retrouver une qualité solo digne de Captain Lockheed.

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- Robert Calvert (chant, comédie)
- Dave Brock (guitare)
- Nik Turner (saxophone)
- Paul Rudolph (guitare, basse)
- Lemmy Kilmister (basse)
- Del Dettmar (claviers)
- Brian Eno (claviers)
- Adrian Wagner (claviers)
- Simon King (batterie)
- Arthur Brown (chant, comédie)
- Vivian Stanshall (comédie)
- Jim Capaldi (comédie)
- Twink Alder (comédie, percussions)


1. Franz Joseph Strauss, Defence Minister
2. The Aerospaceage Inferno
3. Aircraft Salesman (a Door In The Foot)
4. The Widow Maker
5. Two Test Pilots Discuss The Starfighter
6. The Right Stuff
7. Board Meeting (seen Through A Contract Lense)
8. The Song Of The Gremlin - Part One
9. Ground Crew (last Minute Reassembly)
10. Hero With A Wing
11. Ground Control To Pilot
12. Ejection
13. Interview
14. I Resign
15. The Song Of The Gremlin - Part Two
16. Bier Garten
17. Catch A Falling Starfighter



             



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