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- Style + Membre : Hawkwind

Robert CALVERT - Test Tube Conceived (1986)
Par PSYCHODIVER le 17 Juin 2023          Consultée 436 fois

"Je ne suis pas opposé au progrès. Ce à quoi je suis opposé, c'est à l'usage sans morale ni éthique de ce même progrès. Nous devons y prendre garde. Prendre des mesures de contrôle. La possibilité de créer des êtres humains dans des éprouvettes est une réalité depuis les années 50. Je suis persuadé que ces pratiques sont plus régulières qu'on le pense. Tout ceci est terrifiant. Cela reviendrait à appliquer le principe de consommation à la vie humaine. Il n'y a aucune limite à la génétique. À quoi bon s'être émancipé des gouvernements religieux pour subir un totalitarisme d'une nature bien pire ?"

C'est en ces termes que Robert CALVERT répondait à la question : Quel est votre rapport au progrès ?. Un rapport entre fascination et dégoût qui toute sa vie anima l'esprit brillant et très torturé du Sud- Africain, très attentif aux pratiques et théories taboues. Voyez vous-même : collusion entre les alliés et les puissances de l'Axe en 40, contrôle du climat par système tenu secret, horreur génétique, progrès = régression : de nos jours, l'ami CALVERT serait taxé d'horrible complotiste (et d'apologiste du terrorisme si on tient compte de ses exploits d'antan). Mais un regard attentif sur les faits (le sort réservé à Rudolf Hess, cinquante piges que les pires cinglés en blouses blanches font joujou avec l'ADN, HAARP ne relève plus du délire depuis quelques années) suffira à démontrer qu'il voyait juste et que la citation de William S. Burroughs, un paranoïaque est quelqu'un qui sait ce qui se passe mérite méditation. Après tout, lorsque l'on est capable d'annoncer avec deux ans d'avance un scandale d'ampleur mondiale tel celui des Lockheed, on possède un sixième sens.

Entreprise ambitieuse, le projet Test Tube Conceived s'articulait autour de deux œuvres : une pièce de théâtre intitulée Test Tube Baby Of Mine, écrite, mise en scène et interprétée par Bob et son épouse Jill, et l'album qui nous intéresse aujourd'hui. Si la pièce se préoccupait des mésaventures d'un couple de savants désaxés qui se retrouve avec un nouveau né éprouvette sur les bras, le 33-tours, purement conceptuel, ira explorer les pensées de cet homme né dans les entrailles artificielles d'un laboratoire, en marge de la vie et qui évoluera dans un monde futuriste (assez proche du nôtre) où pullulent les mesures de surveillance inhumaines, les pratiques scientifiques crapuleuses et où les êtres humains ne sont qu'une masse de déracinés à la dérive. Pas de voiture volante, pas d'idéalisme robotique à la Asimov, pas même d'exil spatial. Test Tube Conceived recèle un contenu des plus appropriés à la lecture d'un bon Dantec de la grande époque (axe Toorop / Darquandier) ou d'un Ballard période 'trilogie de béton'. Une anticipation terre à terre et qui fait froid dans le dos. À titre de comparaison cinématographique, "Renaissance", sous-estimé film d'animation sorti en 2006, propose un environnement et une trame auxquels auraient parfaitement convenu les chansons de Bob Calvert.

Je n'irai pas par quatre chemins. Test Tube Conceived est le chef-d'oeuvre de Robert CALVERT en solo, au même titre que l'aventure 25 Years On constituait son Everest artistique chez HAWKWIND. C'est l'aboutissement de moult années de cogitations radicales et d'élaboration d'une musique qui ici correspond enfin en tout point à son compositeur. Décalée, grave, sombre mais non dépourvue d'un zeste d'ironie noire et d'une luminosité salvatrice. Le monde selon CALVERT n'est gangrené que dans sa partie dite 'civilisée'. D'où la nécessité d'une insurrection anti-moderne telle celle plébiscitée avec subtilité et combativité depuis au moins les premiers singles écrits pour HAWKWIND ("Urban Guerilla", "Born To Go"...). Musicalement, l'album est équilibré, cohérent et mature. Je ne dirai pas apaisé non plus. Mais on sent que Mad Bob, s'il entretient sa flamme intérieure, semble avoir tourné la page pour ce qui est de ses pamphlets explosifs passés. L'âge avance. L'énergie se traduit différemment. Il n'y a qu'en live que Bob saura encore la déployer avec la fougue et la hargne qu'on lui connaît. Aussi, si vous avez déambulé dans le Sud de l'Angleterre, aux alentours de Ramsgate dans la seconde moitié des 80's et avez fait la rencontre d'un homme en costume et chapeau (quand je parlais de Burroughs plus haut), dissimulant son âme pensive sous une façade fragile de dur à cuire, il y a de fortes chances pour que vous ayez croisé la route de celui qui fut l'extravagant autant que subversif Captain Lockheed ainsi que le poète définitif de l'ère spatial, capable de mettre d'accord punks, hardos et dévoreurs de krautrock, renégats de l'espace et combattants moyen orientaux de l'ancien temps comme du futur, admirateurs de la révolution cubaine comme des luddites et du Hezbollah.

Muni de sa voix mature, usée et incisive, Mad Bob pourfend la vivisection (le très offensif "Save Them From The Scientists"), la nouvelle traite humaine / esclavage sexuel justifiés par le 'génie génétique' (le dérangé et dérangeant "Thanks For The Scientists"), l'effondrement de l'humanité phagocytée par le cyberspace (l'angoissé "On Line"), l'aliénation urbaine et l'agression perpétuelle résultant de la tyrannie des images imposées ("I Hear Voices"). L'ensemble est soutenu par un electro rock musclé (Bob a rappelé à l'occasion Dave Anderson, le serial bass killer de "In Search Of Space"), lent, lourd, distillant une sensation d'enfermement teinté d'onirisme (un petit air de RADIOHEAD), bien que les sons proposés évoquent bien plus les brûlots indus à venir que seront les Pretty Hate Machine et autres The Land Of Rape And Honey, l'agressivité extrême et la vulgarité en moins ("The Rah Rah Man"). Au rayon tubes instantanés, "Fly On The Wall" mais surtout l'imparable "Telekinesis" l'emportent haut-la-main. Le superbe instrumental "Fanfare For The Perfect Race" qui bat Gary NUMAN sur son propre terrain anticipe toute la synthwave. L'introductif "In Vitro Breed" répondant à sa jumelle conclusive qu'est le morceau éponyme, la boucle est bouclée à l'issue de ce voyage introspectif et avant-gardiste où la profanation de la nature est le travail de sape mental sont tels que les hommes venus au monde via leurs géniteurs et leurs semblables conçus dans un tube à essai sont renvoyés dos à dos. No star sign. No destiny. On note toutefois une fin ouverte via une mélodie qui s'émancipe de la noirceur. L'espoir que le rat de laboratoire s'éveille et s'élève, lui comme son homologue naturel, au-dessus de la masse des coquilles vides assimilées au cloaque moderne, ainsi demeure.

Suite à la parution de Test Tube Conceived, Mad Bob se consacre à sa famille, à la scène et à ses pérégrinations poétiques, notamment via une étude sur Ezra Pound, son héros littéraire. Il collabore également avec AMON DÜÜL II le temps d'un album, envisage un projet en duo avec Brian ENO et évoque même un potentiel retour au sein d'HAWKWIND. Malheureusement, son cœur, cet organe qu'il avait tant mis à rude épreuve via ses performances d'où il ressortait souvent à bout de souffle, finit par avoir le dernier mot. C'est ainsi qu'en une funeste journée d'août 1988, Robert CALVERT s'éteint, emporté par une crise cardiaque, à l'âge de 43 ans. Il laisse derrière lui son épouse, ses quatre enfants et une quantité astronomique de poèmes et dossiers inachevés.

Sa disparition fut une perte considérable pour le microcosme underground rock UK. Et la scène de Ladbroke Grove fit le deuil des années durant, jusque dans la seconde moitié des 90's. Néanmoins, la marginalité de CaALVERT de son vivant est proportionnelle à la dévotion de ses fans. Une dévotion toujours d'actualité au regard de l'aspect visionnaire et intemporel de son travail.

En novembre 2022 , une plaque commémorative fut inaugurée au pied de l'Arlington House, effroyable immeuble situé à Margate et édifice dans lequel Bob avait vécu durant sa jeunesse, développé son aversion pour les mégapoles (qu'il exorcisera sur "High Rise" des années plus tard) et forgé son état d'esprit sans pareil, lui qui, durant son court passage sur Terre, aura vécu aussi libre qu'un oiseau et jamais comme une poule de batterie.

Long live the spirit of Bob CALVERT.

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   PSYCHODIVER

 
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- Robert Calvert (chant, guitare, claviers, programmations)
- Dave Anderson (basse)
- Martin Holdcroft (guitare, programmations)
- Brian Snelling (clavier)


1. In Vitro Breed
2. The Rah Rah Man
3. Telekinesis
4. I Hear Voices
5. Fanfare For The Perfect Race
6. On Line
7. Save Them From The Scientists
8. Fly On The Wall
9. Thanks To The Scientists
10. Test Tube Conceived



             



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