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The STAPLE SINGERS - Hammer And Nails (1962)
Par LE KINGBEE le 24 Janvier 2023          Consultée 409 fois

La vie n’a pas été un long fleuve tranquille pour Roebuck 'Pops' Staple. Originaire de Winona, une bourgade poussiéreuse à 150 bornes au nord de Jackson, Roebuck Staple, treizième enfant d’une petite famille de quatorze bambins, se met très tôt à la musique, seul moyen à cette époque pour un jeune noir du Mississippi d’échapper à la pauvreté et à la dure vie de cueilleur ou de garçon de ferme au cœur de la Dockery Plantation. A l’instar de la plupart des membres de sa fratrie, Roebuck chante tous les dimanches dans l’église de sa paroisse au cœur du Delta. Par rapport à ses frères et sœurs, Roebuck se montre plus assidu, la musique, la solidarité familiale et la foi étant de bons remèdes pour lutter contre le dénuement et les pénibles conditions du quotidien. Bon guitariste, il arrondit ses fins de mois en se produisant dans les juke joints et tavernes du Delta, avant de retrouver sa voie en intégrant les Golden Trumpets, un quartette Gospel de Drew.
Au milieu des thirties, marié et père de deux enfants, Roebuck décide de suivre la tendance en remontant vers Chicago. Quand il ne travaille pas dans une aciérie, il chante au sein des Trumpet Jubilees, la Holy Trinity Baptist Church n’étant guère favorable à l’emploi d’instruments de musique pendant lors des rencontres entre paroissiens. Si la famille s’agrandit avec les arrivées d’Yvonne et Mavis, Roebuck prend soin de familiariser sa fratrie aux harmonies de sa guitare tout en leur inculquant quelques préceptes du Blues, procédé qui lui permet de renforcer la persuasion de ses hymnes.

Ce n’est qu’au début des fifties que les Staple se produisent dans les églises noires du South Side. En 1952, la troupe enregistre un premier 78-tours pour Royal Records, un label créé spécialement pour l’occasion. Ce premier jet attire l’attention d’United qui les prend sous contrat. Les STAPLE SINGERS enchaînent chez Vee Jay Records dont la principale vedette demeure Jimmy REED.
En 1955, l’ensemble familial met en boîte son premier single pour le label de Vivian Carter mais il faut attendre l’année suivante et la sortie du titre "Uncloudy Day" qui se vend à plus de cinquante mille exemplaires, un succès inhabituel pour une production Gospel. Ce succès inattendu permet au groupe de se produire le week-end sur tout le territoire, des tournées qui permettent à l’ensemble de se forger une solide réputation. C’est à cette époque que Roebuck, véritable chef de clan, hérite de son sobriquet Pops.
Mais si le patriarche a été élevé dans le respect de la famille et de la religion, cela ne l’empêche pas de constater que les Etats-Unis vivent une période troublée. Entre la lutte pour les Droits Civiques emmenée par Martin Luther King, la révolte des étudiants blancs contre le capitalisme, la crise des missiles cubains et les prémices de la guerre au Vietnam, les States traversent quelques trous d’air. Bien conscient des problèmes que traverse le pays, 'Pops' Staple profite involontairement de cette vague militante pour grossir son auditoire au-delà des ghettos de Chicago et de la communauté noire. En 1962, les Staples Singers signent un contrat avec Riverside Records, label spécialisé dans le Be-Bop et le Hard-Bop.

Enregistré à New York lors de deux sessions, les 20 et 21 février 1962, Hammer And Nails marque les premiers pas de la fratrie Staple chez Riverside. Afin d’apporter un peu de consistance et de marquer une légère rupture avec le Gospel Folk parfois abrupte de Pops Staple, le label a décidé de faire appel au contrebassiste Leonard Gaskin (ex-Miles DAVIS, Stan GETZ, Sunnyland Slim), véritable pointure qui se consacre depuis peu comme accompagnateur de Gospel, tandis que Joe Marshall (ex-Duke ELLINGTON, Ruth BROWN, Johnny Hodges) et Gus Johnson (ex-Willie DIXON, Count BASIE, Coleman Hawkins) se succèdent aux baguettes.

La formation ouvre les débats avec "Hammer and Nails", deux symboles liés à la résurrection du Christ. Derrière une guitare au rythme imperturbable, Mavis déclare qu’il faut plus qu’un marteau et des clous pour entamer sa foi, couplet repris en chœur par Cleotha, Pervis et Roebuck.
Sous forme de ballade, "Gloryland" nous conte l’existence de la terre promise, lieu rempli de lait et de miel et où les enfants pourront jouer en toute tranquillité. C’est encore une fois la voix de Mavis qui prend la tête de l’attelage.
Les amateurs de Country Gospel reconnaitront certainement "Everybody Will Be Happy", une compo d’Eugène Bartlett popularisée par le Brown’s Ferry Four, un célèbre quartet de Country Gospel comprenant les Delmore Brothers, Merle Travis et le banjoïste Grandpa Jones. Mitonné à de multiples sauces (Hillbilly, Appalaches, Bluegrass) ce standard repris de nos jours par de multiples chorales américaines prend ici une autre dimension. Le jeu de guitare d’une simplicité déconcertante nous entraîne sans le vouloir vers la terre promise via le chorus répété jusqu’à plus soif : Everybody will be happy (over there, over there) - Will be happy over there. Une ode intemporelle à Jésus, personnage tout aussi immuable. Si l’accompagnement de guitare de 'Pops' Staple s’ancre bien souvent dans le domaine du Folk Gospel avec une rythmique squelettique incroyablement métronomique, un sentiment de quiétude plane derrière les chansons comme en attestent "Hear My Call, Here"et "Great Day".
A contrario, malgré un jeu de guitare très frustre, on peut se demander si ce n’est pas Roebuck Staple qui tient les rênes de l’attelage sur "Do You Know Him". Délivré en deux parties "I’m Willin’" ouvre superbement la face b avec un tempo ensorceleur annonciateur des futures productions de la fratrie Staple à la Stax. Un titre en deux parties qui tient autant de la Soul que du Gospel. Comme elle le chante à maintes reprises, Mavis semble prêtre à rejoindre le rejeton adoptif du brave Joseph. Autre chanson à la croisée des chemins entre Soul et Gospel avec "New-Born Soul".

Reprise du standard "Nobody Knows The Trouble I’ve Seen", un ancien chant d’esclave transformé en spiritual gravé pour la première par le Tuskegee Institute Singers au début du siècle dernier. Si on ne compte plus le nombre de reprises, celle-ci se distingue par une tonalité totalement différente et un vocal d’une extrême lenteur où le dramatisme se trouve gommé au profit d’une troublante quiétude. Chez nous autres, John William adaptera ce classique avec "Qui peut savoir", tandis qu’avec Claude NOUGARO il deviendra "Nobody Knows", deux versions, selon nous plus gouteuses que celle de Chimène Badi.
"A Dying Man's Plea" reprend le concept des Gospel des années quarante débutant par un long monologue. Chaque début de couplet répété trois fois renforce le sentiment que la foi est plus grande que la mort et la pauvreté. Mavis Staple reprendra le morceau à plusieurs reprises en faisant un cheval de bataille.
L’album prend fin avec "New Home", une supplique pour rejoindre le Royaume. Si la cadence s’avère encore traînante voire engourdie, c’est le chant de Mavis Staple qui prend nettement le pas sur les harmonies vocales familiales.

Si seules les deux premières pistes furent publiées en singles, le répertoire demeure cohérent et solide. A l’instar de certaines pièces Blues du Delta, c’est bien souvent le jeu de guitare malgré sa forme minimaliste qui tient les rênes de la diligence sur laquelle se posent des harmonies vocales de haute tenue. Pas besoin d’être croyant et encore moins une grenouille de bénitier pour être happé par le dépouillement et la simplicité des mélodies. Si le Seigneur recueille ici un sacré paquet de louanges bien dans l’esprit du Gospel sixties, cette galette mérite elle aussi son lot d’éloges, parole de mécréant !

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- Roebuck 'pops' Staple (guitare, chant, chœurs)
- Mavis Staple (chant, chœurs)
- Cleotha Staple (chant, chœurs)
- Pervis Staple (chant, chœurs)
- Leonard Gaskin (contrebasse)
- Joe Marshall (batterie)
- Gus Johnson (batterie)


1. Hammer And Nails
2. Gloryland
3. Everybody Will Be Happy
4. Hear My Call, Here
5. Nobody Knows The Trouble I've Seen
6. Great Day
7. I'm Willin' (part 1)
8. I'm Willin' (part 2)
9. Do You Know Him?
10. New-born Soul
11. A Dying Man's Plea
12. New Home



             



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