AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Preuve que quantité et rythme effréné ne signifient pas forcément baisse de qualité, Zootopie (2016) figure au rang des bonnes surprises comme DISNEY sait nous en faire. Un film d'animation policier avec des animaux anthropomorphes franchement inspiré ; la dernière fois qu'on avait vu quelque chose de tel, c'était pour Basil Détective Privé, trente ans plus tôt en 1986. Autant dire que le visuel a bien changé, la 3D semble toujours mieux maîtrisée, et on se laisse prendre au jeu...

Rich Moore (Les Mondes de Ralph) ainsi que Byron Howard, spécialiste des animaux depuis Volt, Star Malgré Lui et enchanteur depuis Raiponce, dépeignent une ville-société appelée Zootopie qui se veut débarrassée de l'âge primitif et de toute forme de discrimination. Le lapin femelle Judy Hopps, bien que non destinée à cela, veut rentrer dans la police. Malgré sa bonne foi, elle n'est pas prise au sérieux et de surcroît, elle rencontre Nick Wilde, un sympathique renard escroc qui se moque d'elle, jusqu'à ce qu'elle veuille prendre en main une affaire de disparition bien étrange... Palpitante, cette aventure à caractère urbain et haute en couleurs, avec une partition à-propos !

L'écriture musicale déjà adaptée par Henry Mancini pour Basil Détective Privé se retrouve encore dans ce que notre cher Michael Giacchino, déjà passé lui-même par la case Indestructibles (l'espionnage ayant une âme policière), réserve aux quelques scènes d'infiltration proposées, le wagon des "hurleurs nocturnes" (ce quatuor de chambre !) et Cliffside. Giacchino, à force de gratter de la cinq lignes (une feuille de partition, quoi), retrouve un aplomb et une maestria quelque peu perdus depuis 2006 et Ratatouille.

L'orchestre est rondement mené sur ces quelques notes hommage aux films noirs, à la Panthère Rose... Et dès le départ, pendant le spectacle d'école, un basson, des percussions fortes ainsi que des violons sinistres empruntent à STRAVINSKY, comme aux débuts de DISNEY. De beaux éléments "froids" ! C'est une moindre mesure cependant face aux rêveries distillées çà et là, notamment le piano-cordes, jolie berceuse au moment du départ de Judy vers la ville, particulièrement émouvant lorsque Nick raconte son histoire à Judy dans la jungle.

Les tons chauds gardent une belle place à travers l'illustration, durant le spectacle d'école d'abord, où le piano gospel de Giacchino est rejoint par un orgue Farfisa. C'est pourtant un modèle Hammond qui se met à rugir sur une fiesta de congas/timbales que l'on entend dès la première journée de Judy au sein de la police, et jusqu'au générique de fin. Très SANTANA tout ça ! Ainsi, maestro Giacchino y va généreusement de ses accointances latino, chose dont il s'était pas mal privé depuis une dizaine d'années.

La samba, la salsa, le calypso occupent un grand rayon sonore et pour notre plus grand bonheur, allant de pair avec la qualité du film, c'est inspiré en diable ! Sans oublier d'autres incursions traditionnelles : les ambiances tribales du quartier de la jungle, les sitars flottants dans la maison des hippies, les digressions orientales (à Cliffside, un hautbois et un basson nous rappellent furieusement l'ouverture du Livre de la Jungle en 1967, super !) ainsi que la mandoline de Mr Big, énième variation de Marlon Brando en parrain, mais pas la moindre.

Une BO excellente donc, et avec plus d'une chanson en réalité, puisque le radio-réveil d'une Judy qui a le blues se met à jouer "Everybody Hurts" de R.E.M., "All by Myself" et d'autres chansons mélancoliques de façon brève. Cela donne le sourire, mais ce n'est rien en comparaison du tube de Shakira, alias la Gazelle, star chanteuse-danseuse et "voix positive" du peuple animal. "Try Everything", on l'entend en entier lors de la séquence train au début, et pendant le générique de fin.

La différence entre les deux versions est ténue, celle du générique sonnant plus live et festive encore, mais quoi qu'il en soit, c'est frais, ça accroche, et Shakira reste l'une des chanteuses les plus appréciables de sa génération. Pop-électronique aux accents gospel, notamment dans les fameux "oh! oh! oh!" des choristes, "Try Everything", écrite par l'Australienne Sia et les paroliers norvégiens Stargate, n'est pas exempte des amours latines de Giacchino, car elle introduit une batucada brésilienne (groupe de percussions) de manière tout à fait savoureuse ! C'est le gros "truc en plus", et mon dernier mot pour cette fois.