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- Style : Silver Apples
- Style + Membre : David Vorhaus , Derbyshire / Hodgson

WHITE NOISE - An Electric Storm (1969)
Par NANAR le 21 Mai 2023          Consultée 743 fois

Me voilà bien embêté. Précurseur de la pop électronique, monument sonore : tout a été dit sur cet album unique en son genre, précurseur et jalon de la musique électronique. Je vais sans doute réinventer l’eau tiède, mais zut, j’assume. Cité en référence par un grand nombre d’artistes et de journalistes, An Electric Storm fut et demeure une œuvre inclassable, et aussi la preuve que les patrons de majors peuvent, quelquefois, avoir de bonnes idées.

En 1968, au cours d’une conférence de Delia Derbyshire sur la musique expérimentale, David VORHAUS, alors étudiant en physique, fut impressionné au point de demander à Brian Hodgson et Delia Derbyshire d’intégrer leur équipe d’ingénieurs du son au BBC Radiophonic Workshop. Ce dernier, fondé en 1958, est le laboratoire sonore de la BBC, consacré à la création d’effets sonores et d’illustrations musicales pour les émissions télévisuelles et radiophoniques. Delia Derbyshire a déjà acquis une certaine notoriété en réalisant les arrangements électroniques du thème de la série Doctor Who en 1963, thème originellement composé par Ronald Grainer.
David, Brian et Delia, accompagnés d’autres employés de la BBC, ébauchèrent un projet musical mélangeant mélodies pop et collages électroniques, jusqu’à réaliser deux premiers morceaux, "Love Without Sound" et "My Game Of Loving", dans un premiers temps destinés à être publiés en 45-tours. Chris Blackwell, patron du label Island Records, les convainquit d’enregistrer un album entier et leur alloua un budget de 3000 livres sterling, une jolie somme qui permit au groupe de longuement développer un album avec toutes les machineries sonores du laboratoire. Ayant mis un an pour enregistrer quatre morceaux supplémentaires, et sur une relance de Island pour boucler l’album, en une journée WHITE NOISE réalisa en semi-improvisation ce qui allait être la conclusion de l’album, "Black Mass: An Electric Storm In Hell".

An Electric Storm est un alliage de chant, d’instruments acoustiques, d’effets sonores sur bande magnétiques et des sons du EMS VCS3, le premier instrument de la firme londonienne Electronic Music Studios, et à plus forte raison le premier synthétiseur de fabrication britannique, dont Delia Derbyshire se procura le premier exemplaire (numéro de série 001). Le tout monté, coupé, bouclé, superposé en un improbable monstre sonore, unique en son genre, sui generis. Le son d’ensemble est marqué par son époque, en particulier les effets sur bande, mais le tout est d’une minutie et d’une fluidité qui relèvent du prodige – à la fin des années 1960, rappelons-le !
Parmi les plus fameux objets sonores de l’album, citons la contrebasse de David VORHAUS (son instrument de formation avant de se diriger vers les synthétiseurs) passée en accéléré pour sonner comme un violoncelle, ou encore des interjections comiques virevoltantes sur "The Fleas Are Coming" comme on en trouve dans les banques d’effets sonores destinées à la radio, et que Jean-Jacques PERREY emploiera également sur ses albums solo (Moog Indigo en 1970, Moog Sensations en 1971).

Un autre exemple de son singulier est le son de basse électrique de "My Game of Loving". Il s’agit d’une unique note de basse dupliquée et passée à différentes vitesses pour former cette ligne baladeuse sur un chabada de batterie nonchalant. Ce montage artisanal, l’air de rien, préfigure le sampling avec plus de dix ans d’avance. En divers endroits, nous trouvons du VCS 3 bien sûr, mais aussi du clavecin ("Firebird"), la batterie et les percussions de Paul Lytton, en particulier les passages tribaux de "My Game of Loving" et le long solo de batterie de "Black Mass : An Electric Storm In Hell".
Nous ne saurions nous passer d’un autre axe majeur de cet album que sont les chœurs et le chant. Les chanteurs John Whitman, Annie Bird et Val Shaw se succèdent et délivrent chacun une performance assez lunaire, qui rappelle beaucoup les voix de faussets de Lou REED et NICO sur le premier VELVET UNDERGROUND (nan mais laissez-moi… manger ma banane!). En de nombreux endroits de la face A d’An Electric Storm, les chœurs sont exquis et, encore une fois, cette légère fausseté, ce semblant d’amateurisme ajoute à leur charme.
On peut comparer WHITE NOISE aux américains SILVER APPLES, autre référence du proto-électronique avant-gardiste, qui repose également en grande partie sur la batterie et le chant. Cependant, les albums Silver Apples (1968) et Contact (1969) proposent à mon avis quelque chose de moins sombre et plus spontané. An Electric Storm se rapproche davantage de Electronic Funk (1969) de Paul BEAVER et Bernard KRAUSE, de par ces plages électroniques sombres et vaguement effrayantes.

Évidemment, "Love Without Sound" et "My Game of Loving" montrent des scènes de sexe débridé, avec force collages suggestifs… non, quasiment démonstratifs ! Rien que pour cela, An Electric Storm n’est pas vraiment le genre de disques à passer en fond sonore à l’heure de l’apéro. En étudiant les paroles de l’album, nous comprenons "Firebird" comme le récit béat d’un rêveur et "The Fleas Are Coming" comme une scène de ménage sur un ton humoristique; pourtant, malgré le ton léger de la chose, ça cause négligence corporelle et appartement délabré! "Your Hidden Dreams" est la clé de l’album qui, par une allégorie, éclaire l’insouciance viciée des morceaux précédents et amène à la seconde face de l’album.
Si le rêveur de "Firebird" se retrouve sur le sol à son réveil, il ne va pas tarder à mordre la poussière. Nous plongeons dans son esprit abîmé avec "The Visitations". Dans ce morceau-fleuve, s’entrechoquent complainte et cauchemar, lucidité et catalepsie. Une mélodie aux allures de chant mortuaire est en porte-à-faux au-dessus du gouffre. Enfin, sur "Black Mass : An Electric Storm In Hell", plus de mélodie, plus de chant, mais pour de bon la chute vers les hurlements déchirants de la mémoire défigurée et les arêtes tranchantes de la 'tempête électrique'.

An Electric Storm demeure une expérience sans suite. Les membres du noyau dur de WHITE NOISE ont continué à travailler dans la musique, ensemble ou en solo, mais en suivant des voies différentes. À commencer par l’album Electronic (1969) pour le label Standard Music Library, spécialisé dans l’illustration sonore. Réalisé par David VORHAUS, Delia Derbyshire et Brian Hodgson, Electronic est constitué de morceaux très courts et anodins. Après An Electric Storm, j’espérais au moins une récréation sonore originale. Il n’en est rien; Electronic sonne parfaitement creux. Un disque à oublier !

"I’m Waiting For The Man" (1967), chantait Lou REED. Oui, c’est nous les grosses moulas, y a d’la weed, y a du jack, j’suis foncedé toute la night, ahanait GRADUR sur "Ne Reviens Pas" (2019). Take me, and you begin to understand, surenchérit WHITE NOISE tout en se payant le luxe de plier le game. An Electric Storm n’est pas vraiment le genre d’album à passer en fond sonore à l’heure de l’apéro.

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- David Vorhaus (électroniques, contrebasse)
- Delia Derbyshire (électroniques)
- Brian Hodgson (électroniques)
- Paul Lytton (percussions)
- John Whitman (chant, chœurs)
- Annie Bird (chant, chœurs)
- Val Shaw (chant, chœurs)


1. Love Without Sound
2. My Game Of Loving
3. The Fleas Are Coming
4. Firebird
5. Your Hidden Dreams
6. The Visitations
7. Black Mass: An Electric Storm In Hell



             



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