Ceci n’est pas un album de WHITE NOISE… mais pas pour la raison que vous pensez.

Neuf ans séparent ce Inferno de l’album précédent, mais il s’en est passé des choses, depuis. David Vorhaus s’est consacré durant les années 1980 à la musique d’illustration sonore, avec à la clef plusieurs albums pour le compte des labels KPM et Music De Wolfe, spécialisés dans la "Librairie Musicale", autrement dit la musique d’illustration initialement réservée aux professionnels de l’audiovisuel. Ces albums étaient à la base interdits à la vente publique, mais ont évidemment fuité avec l’arrivée d’Internet. On retrouve donc la plupart de ces albums sur YouTube, voire sur les plateformes de streaming. Certains sont devenus cultes et ont mêmes été réédités sur support physique.

Inferno n’est pas un album de WHITE NOISE car ce n’est qu’une compilation des cinq albums de David VORHAUS chez KPM jusqu’en 1989. La tracklist très fractionnée et les notes de l’album suscitent déjà la méfiance. Que David VORHAUS rende public des morceaux jusque là condamnés à sombrer dans l’oubli est louable, en principe. Seulement, Inferno relève de la plus basse magouille.
Ce disque est d’abord très lacunaire, ne faisant que survoler chacun des cinq albums. Sa durée de 42 minutes est incompréhensible, alors que le format CD de 74 ou 80 minutes contient l’équivalent de deux albums vinyle. Sa construction en tant que compilation est incompréhensible, les morceaux de tous les albums sont mélangés sans souci de cohérence, ce qui donne lieu à des coqs-à-l’âne flagrants, comme l’enchaînement de "Inferno" (1982) et "Off The Wall" (1989) (NDLR: Michaeeeel!). Alors que tout le dernier tiers de la compilation est consacré au seul album Out Of The Dark (1985)!
Le pire est que certains morceaux sont fondus et enchaînés ensemble, alors qu’il proviennent parfois d’albums différents (comme "Light Mover" de 1985 et "The Source" de 1983), pour donner l’illusion d’une grande suite comme sur Re-Entry (1980), ce qui ne fait que dénaturer le matériau d’origine. "Dreamtime", issu de l’album Real Or Unreal? (1989) est séparé en deux plages distinctes: "Dreamtime" et "Getting Light". "Inferno", tiré de Sleight Of Mind (1982), est amputé de sa conclusion, sans raison valable.
Pour brouiller encore davantage les pistes, David VORHAUS a même retitulé certains morceaux. Provenant de l’album Out Of The Dark, "Science Today" devient "Go For Your Dongle", "Shadowlands" est renommé "Eclipse" et "Now You See Me" se change en "Polka Dots". Tiré de Real Or Unreal?, "Intrigue" devient "Opium".

Pourtant, les compositions d’origine, sans être renversantes, sont de facture très correcte. Étant programmées sur ordinateur, elles peuvent décevoir de par leur manque de spontanéité, voire leur manque de vie. Si The Vorhaus Sound Experiments (1980) contient encore une part d’analogique, les trois albums suivants sont dévoués au Fairlight CMI.
Deux morceaux sont issus de Sleight Of Mind (1982). Le dramatique "Inferno" est une ouverture idéale et donne d’ailleurs son nom à la présente compilation. Par contre, allons savoir pourquoi un morceau aussi dénué d’intérêt que "Laughing Gas" a été choisi en négligeant le reste de l’album, mystère et boules de gomme.
Sound Conjurer (1983) évolue dans le même registre, bien qu’un tiers soit co-signé par le guitariste David Bradnum. Cinq titres ont été retenus pour la présente compilation: "Lemmings", "The Source", "Runes" et "Clouds In White Chiffon" sont de très bons choix, seul "Scurry" étant un peu anodin.
Vorhaus et Bradnum ont également composé deux albums en duo, Electro-Graphics (1982) et The Quest (1984) pour Music De Wolfe. Electro-Graphics partage le style de Sound Conjurer et The Quest est plus éclectique, avec des incursions rock et pop. David VORHAUS a omis les morceaux en duo, sans aucun doute dans un souci de droits d’auteur.

Out Of The Dark (1985) est, de loin, l’album le plus représenté sur Inferno, avec neuf morceaux, soit presque la moitié du disque. Là, nous sommes déjà un cran en-dessous des albums précédents. "Gyroscope" et "Sanctus" entrent par une oreille et ressortent par l’autre. "The Labyrinth", "Light Moves", "Bringer Of Darkness", "Now You See Me", "Under The Lens", "Now You Don’t", "Science Today" sont agréables mais pour la plupart un peu redondants, sonnant comme du déjà-entendu chez David VORHAUS.
"Now You See Me" est présent sur Inferno avec un mix différent, retitulé "Polka Dots" donc, qui inclut du chant, ce qui lui donne un peu plus d’intérêt. Par chance, ce morceau n’est pas fondu avec un autre.

Touchons quelques mots des deux autres albums. The Vorhaus Sound Experiments (1980), que j’ai déjà évoqué dans la chronique précédente, n’est ici représenté que par "Charged Particles", nettement expérimental et détonant beaucoup au milieu du reste, plus aseptisé. Real Or Unreal? (1989) est quant à lui proche de Out Of The Dark mais meilleur. Trois morceaux en ont été repris sur Inferno: "Intrigue" / "Opium" est un beau passage ambient, mais "Dreamtime" est plutôt trivial et "Off The Wall", avec sa rythmique funk et ses samples vocaux, est un très mauvais choix car totalement incongru.

Comme nous l’avons dit, ces cinq albums sont assez facilement trouvables sur Internet – plus facilement que Inferno lui-même, comble de l’ironie – ce qui rend désormais Inferno presque totalement caduque, à l’exception du mix alternatif de "Now You See Me". Inferno serait beaucoup plus intéressant s’il se concentrait de manière plus exhaustive et cohérente sur les albums de 1982 à 1985 – pourquoi David VORHAUS n’a-t-il pas demandé la permission à David Bradnum de publier quelques-uns de leurs morceaux en duo? –, en mettant vraiment à profit le format CD.

3 sur 5 pour la composition mais 0 ½ sur 5 pour le vice de forme.