Les dernières munitions des chats de gouttière ont été tirées lors du Tchoo Tchoo Hot Fish, quelques années plus tôt, un album de belle qualité. Mais le revival du rockabilly est bien loin désormais : dans les nineties, la mode est à l’alternatif et il n’y a guère de place pour la gomina et les bananes. Le rock’n’roll est moribond, Brian songe déjà à investir les contrées du swing avec son futur BRIAN SETZER ORCHESTRA. En attendant, les CATS songent à terminer leur carrière de manière correcte pour leurs fans indéfectibles. Original Cool semble donc être le chant du cygne en 1993. Cette fois, la simplicité est de mise, il s’agit d’un hommage au rock’n’roll, des reprises des grands pionniers.

On débute avec l'élégant "Somethin Else" d'Eddie COCHRAN. Bien sûr, la version de Brian est plus pêchue, alors que le blondin ressemble trait pour trait à Eddie en termes de chant. Le solo déchire bien, pas de doutes il sait y faire, l’animal. Il reste encore très sobre sur le classique "Twenty Flight Rock" qu’il refuse de dénaturer. Il se lâche en revanche complètement lors du solo, magnifique d’aisance. Je pense que Brian s’identifie beaucoup à Eddie, il se sent proche de lui et son destin tragique le pousse à en revendiquer une filiation évidente, la gretsch orange en est la preuve.

Même s'il semble plus éloigné des consonances de Buddy HOLLY, qui sonne plus rock’n’roll que réellement rockab, sa version de "Oh Boy" est tout à fait légitime avec les mêmes cris qu’aime à pousser le Texan. En termes de guitare, évidemment, pas de comparaison, SETZER est un véritable guitar hero avec des heures d’entraînement quotidiennes et une approche tout à fait particulière de l’instrument. "Lonesome Tears" est moins remarquable. Enfin, on connaît les liens d’amitié qui unissaient Brian et le chanteur du CLASH, Joe STRUMMER, rien d’étonnant à trouver ici une jolie version plus rock’n’roll que punk de "I Fought The Law", originellement une chanson de Sonny CURTIS, le remplaçant de Buddy chez les CRICKETS.

L’hommage à Gene VINCENT est déjà plus évolué avec une version de "Be Bop A Lula" un brin modernisée. Slim Jim Phantom et Lee Rocker qui restent très sobres en termes d’ambiance tout le long du skeud ne paraissent guère concernés. Le classique du Rock’n’roll ne s’en trouve guère changé, cela dit. La superbe "Blue Jean Bop" renaît elle aussi sous les assauts des STRAY CATS, Brian n’en fait pas trop, même si on sent qu’il en a sous la pédale et qu’il s’éclate tout du long, Cliff Gallup est sauf.

Brian prend de jolies libertés avec Elvis PRESLEY sur "Cant Help Falling In Love". Sa voix s’aligne bien avec la performance du king, même s’il manque un peu du velouté magique d’Elvis. Quelques lignes de steel guitare lui donnent une vibe plus country que l’originale. "Tryin To Get To You" nous ramène à nouveau à l’époque glorieuse des Sun records de Memphis avec Sam Philipps derrière la console. Il y a un léger écart entre la qualité de voix de Brian et celle d’Elvis bien sûr, mais le blondin s’en sort bien.

On attaque Billy Lee RILEY avec la violente "Flying Saucer Rock’n’roll". Brian et ses CATS n’ont pas le moindre souci à s’y adapter, le titre étant à la base plus moderne. La "Train Kept A Rolling" du ROCK’N’ROLL TRIO de Johnny BURNETTE manque un peu de légèreté sur cette version. On lui préfère celle des BOSTONiens d’AEROSMITH au final. Nous sommes plus surpris de retrouver le teenage idol Ricky NELSON sur cet opus aux grands du rock’n’roll, surtout venant de la part de Brian SETZER. "Stood Up" a été choisi et, cette fois, les CATS restent très sages, c’est mignon. On reconnaît d'emblée les tics de Chuck BERRY et on met quelques secondes à reconnaître "Let It Rock’n’roll" puisque, comme nous l’avions vu, Chuck débutait toutes ses chansons de la même manière, à la manière d’un Barry WHITE des fifties. Brian n’a aucune difficulté à lui tricoter un hommage avec sa gretsch.

Quelque part, il est bien dommage de s’appeler Brian SETZER et de ne pas proposer de matos nouveau, le calibre du compositeur est tel qu’on ne peut que regretter cela. Alors, cet aréopage de chansons, souvent de grands classiques, vaut ce qu’il vaut. On peut passer dessus sans le moindre regret, mais les versions ici proposées sont toujours de bon aloi. Le travail à la guitare de Brian est toujours magnifique, pas de doutes là-dessus. Je reste donc sur un 3 sur ce dernier opus des STRAY CATS avant un paquet d’années en 2021 !