Après deux albums de variété instrumentale chez Barclay, Roland ROMANELLI réalise ce curieux objet pour le compte du label Delphine, label fondé par les indéboulonnables Olivier TOUSSAINT et Paul De SENNEVILLE, très prolifiques en leurs temps (et à leur manière), aujourd’hui surtout connus pour "Dolannes Melodie"*, le thème du film Un Linceul N’A Pas De Poches, ainsi que "Ballade Pour Adeline" pour Richard CLAYDERMAN. Sur le label Delphine, Olivier TOUSSAINT et Pierre De SENNEVILLE ont parrainé un certain nombre d’artistes et de groupes : ANARCHIC SYSTEM (combo de pop électronique connu pour son tube "Sheree Sha La La") et Richard CLAYDERMAN, mais aussi le POP CONCERTO ORCHESTRA, le trompettiste Jean-Claude BORELLY, le guitariste Nicolas De ANGELIS. Que du beau monde.

Paumé au milieu de ce catalogue, on trouve l'album sobrement intitulé Space Music, enregistré par Roland ROMANELLI sous le pseudonyme McLane Explosion. Space Music mélange des compositions originales du duo des producteurs susmentionné et des reprises de tubes récents, et pas des moindres : "Oxygène IV" de Jean-Michel JARRE (tout simplement renommé "Oxygène" dans ses innombrables reprises bon marché), "Pulstar" de VANGELIS, "Onyx" de SPACE ART, mais aussi le thème du film érotique Bilitis composé par Francis LAI, "Accidental Lover" du combo disco LOVE & KISSES d’Alec Constandinos. Un tel étalage de tubes pour appâter le chaland est fréquent dans le milieu de l’Easy Listening bon marché**.

Mais on trouve surtout, bien mis en valeur au début de programme, "Magic Fly" de SPACE. Bah oui, tant qu’à faire, autant reprendre un morceau de son propre groupe ! Il faut reconnaître que cette interprétation est joliment fidèle à l’originale. Qui ne connaît pas SPACE risque fort de n’y entendre que du feu. La batterie est moins compressée et certains effets sonores sont moins détaillés, mais sinon, on s’y croirait ! "Oxygène IV" est également bien imité, le caractère à la fois mélodique et planant de cette composition est assez bien restitué. Les reprises de "Onyx" et du thème de Bilitis sont également convaincantes. On ne peut malheureusement pas en dire autant de la reprise atrophiée de "Accidental Lover" ni de la version de "Pulstar", terriblement cheap et totalement vidée de sa force originelle.

Quant aux cinq originaux, le bilan est là encore contrasté, mais pour d’autres raisons. L’instrumentation de ces morceaux diffère franchement des reprises. Les deux producteurs sortent la grosse artillerie d’ensembles instrumentaux, de guitares, de chœurs voire de cordes et de cuivres ("Space Police"), quitte à faire passer les synthés au second plan, pour un résultat des plus kitsch. Au problème du son, s’ajoute celui de la composition, et le bât blesse des deux côtés pour l’interminable et affreux "Space Police", la pénible ballade "Love In Space" et le gluant "A Night In Molly". "Fire Land" est nettement meilleur, malgré des chœurs bien vaseux.

Enfin, "Black Deal" tout excellent qu’il soit, figurait déjà auparavant à l’identique sur l’album Ballade Pour Adeline de Richard CLAYDERMAN (paru la même année mais antérieur au vu des numéros de catalogue). Ce semble être l’unique morceau de Space Music dans ce cas de figure. Au vu de cette filouterie et des différences d’instrumentation, la question se pose : Roland ROMANELLI a-t-il quelque chose à voir avec ces cinq morceaux ou sont-ce des ajouts d’Olivier TOUSSAINT et de Paul De SENNEVILLE parachutés pour satisfaire le format album?

Il n’est pas difficile de cerner la limite de ce genre d’albums de reprises bas de gamme, qui versent soit dans la version Wish ridicule, soit dans la copie carbone pure et simple. C’est bien du côté des quelques compositions originales qui y sont discrètement glissées que ces disques bas de gamme gardent encore un attrait***. Toutefois, Space Music s’en sort honorablement dans le genre, les versions de "Magic Fly", "Bilitis" ou "Onyx" valent le coup d’oreille.

* Découvert fortuitement par votre serviteur dans une brocante, via une version enregistrée par Mario BUA pour le label Neuilly. Trois ans plus tard, ça fait encore mal aux fesses.
** cf. les labels Disques Festival, Les Tréteaux (Jean-Claude PIERRIC et Daniel JANIN), Vyg / Vygson (Claude DAURAY), Aba, Neuilly, Disques Look For, EPN… j’en passe et des pires.
*** En particulier, la série Super Succès du label Les Tréteaux est riche en morceaux cachés de bonne facture.