Everything Falls Apart avait confirmé une impression déjà entr’aperçue sur In a Free Land : malgré sa férocité apparente, HÜSKER DÜ commençait à assumer son penchant pop et serait sans doute capable de sortir un tube très bientôt.

Cependant, ses hautes ambitions se heurtaient pour le moment à des moyens financiers limités. Sa popularité exponentielle deviendrait bientôt incompatible avec le DIY caractérisant la production de ses disques. SST lui offrirait une issue en mettant à disposition organisation et argent, garantissant ainsi un pressage conséquent de chaque nouvelle sortie (à hauteur de dix mille exemplaires), tout en faisant des DÜ leur première signature extérieure à la Côte Ouest.

En décembre 1982, le groupe entama une tournée de cinq semaines les menant jusqu’en Californie où ils souhaitaient enregistrer leur prochain album en une journée avec le producteur Spot. Les divers problèmes techniques rencontrés firent qu’il ne s’agirait que d’un simple E.P.

Les morceaux composés étaient plus travaillés et variés bien qu’ils restèrent toujours aussi rapides et bruyants (féroces "Deadly Skies" et "Lifeline"), exposant des mélodies restant gravées en mémoire immédiatement comme l’urgent "First of the Last Calls". Le contenu lyrique commençait à évoluer également. Même si on trouvait la chanson typique concernant la destruction nucléaire, les paroles étaient moins politiques et plus personnelles, sur la manière dont on se fait baiser, ou dont vous vous êtes fait baiser, ou n’importe qui, à un moment ou un autre dixit Bob MOULD.

Le chanteur commençait à singulièrement se fatiguer de la scène hardcore dont hypocrisie et conformisme grandissaient alors qu’elle se voulait le contraire, où poseurs et brutes au crâne rasé étaient légion, arborant des vestes de cuir où on retrouvait le A symbolisant l’anarchie, devenu un mot vide de sens simplement brandi pour légitimer les bastons dans la fosse. Le guitariste Steve ALBINI éprouvait la même impression et la concrétisa via un article au vitriol dans Matter où il stigmatisait les futurs Antagonistic Decline composant des chansons concernant l’intervention militaire qu’ils y connaissent quelque chose ou pas.

Metal Circus s’ouvre donc logiquement sur "Real World", pièce dézinguant cette orthodoxie envahissante : Tu veux changer le monde/En détruisant les règles et les lois/Mais ce n’est pas comme ça/Dans le monde réel. Plus loin, "It’s Not Funny Anymore" s’avère également sans appel, sucré et ralenti à dessein, première des deux contributions amenées par Grant HART.

La seconde est peut-être le premier morceau décisif de la jeune carrière du trio. "Diane", avec sa ligne de basse inoubliable et son refrain déchirant – dans lequel on peut entendre également Die-Anne, relate le compte-rendu terrifiant du viol et meurtre d’une serveuse habitant le Minnesota selon le point de vue de l’assassin. Le morceau, malsain et magnifique, s’inscrivait ainsi dans la lignée des ballades des années 50 mettant en scène des meurtriers.

Quand Metal Circus sort en octobre 1983, les radios universitaires plébiscitent plusieurs de ses chansons alors que les étudiants exhibaient encore une certaine méfiance vis-à-vis du hardcore. Il se conclut sur "Out in the Limb", expression traduisible par différent des autres, ultime pied-de-nez se matérialisant via une pièce chaotique et véhémente qu’on pourrait presque rapprocher des travaux qu’aurait produits un CAPTAIN BEEFHEART hardcore.

Metal Circus ou la politique de la chaise vide, HÜSKER DÜ ayant déserté ce cirque sur lequel trônent encore paperasse et portrait de Mao.