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Freddie KING - Woman Across The River (1973)
Par LE KINGBEE le 21 Mars 2024          Consultée 573 fois

Nous sommes en 1973, l’Amérique connaît de savoureux soubresauts. Suite au scandale du Watergate, les premières têtes tombent, les Accords de Paris entérinent un cessez-le-feu au Vietnam, alors que les bombardements se multiplient au Cambodge. Plus joyeux, en avril, on inaugure en grande pompe le World Trade Center, monument transformé en piste d'atterrissage en septembre 2001. Musicalement, 1973 voit l’apparition d’albums qui feront date : The Dark Side of the Moon (PINK FLOYD), Quadrophenia (The WHO), The BEATLES 1962-1966 (communément appelé le double bleu) sans oublier Made In Japan, un Live de DEEP PURPLE. Historiquement, le 13 septembre 73, un article de Vince Aletti entérine la naissance de la vague Disco, une déferlante qui allait emporter sur son passage de nombreux bluesmen ainsi que des musiciens issus de musiques traditionnelles.

Freddie KING enregistre son troisième et dernier opus pour le label Scepter de Denis Cordell et Leon Russell, pianiste de session présent au piano et à la production sur Texas Cannonball. A l’image du précédent disque, on envoie le guitariste à Memphis aux studios Ardent, où il retrouve le guitariste Don Preston (ex-Joe COCKER, JEFFERSON AIRPLANE), le bassiste Carl Radle (ex-DEREK & The DOMINOS, DELANEY & BONNIE) et Russell qui lui colle aux basques comme un Malabar à une semelle. Le label prend soin d’entourer le bluesman d’une bonne bande de requins de studio : les batteurs Jim Keltner (ex-Albert COLLINS, Carly SIMON, Gabor Szabo) et Chuck Blackwell (ex-Joe COCKER, Taj Mahal) le Révérend Patrick Henderson (futur organiste des DOOBIE BROTHERS et Michael BOLTON).

Si le colosse se produit alors à raison de 300 concerts par an, bénéficiant de l’engouement d’un nouveau public alors que le Blues ne fait guère plus recette, il ne compose pratiquement plus, faute de temps et d’envie. Sur les onze pistes, on ne trouve que deux titres issus des plumes de Russell et Blackwell. Autre bémol, la production s’avère nettement trop bouffie, trop orientée vers une combinaison de Blues Rock pâtiné de Pop. Cordell anciennement à la tête de productions à succès pour les MOODY BLUES, The MOVE ou PROCOL HARUM n’a que peu de concordance naturelle avec le Blues Texan.

En guise de mise en bouche, "Woman Across The River", une compo de Bettye Crutcher enregistrée cinq ans plus tôt par Johnnie Taylor pour la Stax, vaut avant tout par le jeu de guitare finement ciselé. Si les effluves Soul Gospel de la version s’effacent au profit d’une guitare qui évite toute démonstration, on regrette la présence de chœurs féminins qui alourdissent inutilement le décor. Deux titres du prolifique Willie DIXON, souvent gage de qualité et de sécurité, agrémentent l’ensemble : depuis sa sortie au milieu des fifties, "Hootchie Cootchie Man" a connu plusieurs intitulés et moult interprétations, le standard étant passé à la moulinette dans des registres parfois inimaginables. Si le chant et la guitare se montrent à la hauteur, on ne voit pas l’intérêt de grossir l’orchestrations de chœurs et de passages de claviers qui se révèlent au bout du compte lourdauds et intempestifs. Enregistré à la même époque, "I’m Ready" * impulsait une ambiance typique au Chicago Blues. Au fil des années et des modes, ce classique connaît moult mitonades. Face à une rythmique manquant d’un chouya de feeling et de claviers bavards, Freddie KING délivre un jeu trop nerveux, la mélodie aurait mérité selon nous plus de modération.
King propose deux bifurcations vers Ray CHARLES avec "Danger Zone", création de Percy Mayfield enregistrée préalablement par 'The Genius'. La douceur du morceau correspond mieux au phrasé du guitariste. Seul petit hic, orgue et piano finissent par se superposer inutilement. Il transforme totalement "Leave My Woman Alone", une pièce dansante entre R'&'B et Jerk, en un Blues lent. Quel dommage, à l’instar de l’original, que Russell et Cordell aient cru bon de greffer des chœurs qui ne sont même pas crédités. Cette version relègue bien loin le sabotages des EVERLY BROTHERS.

L’occasion fait souvent le larron, le label ayant versé des droits en 1965 pour "Just A Little Bit", une compo de Rosco Gordon reprise par Roy Head, Freddie KING s’amuse à reprendre le morceau d’autant qu’il figurait comme guitariste sur le single de Tiny Topsy publié en 59 par Federal Records. Si la guitare s’offre encore des passages aériens, la connexion avec la basse plus ronde améliore le groove. Totalement différentes, les covers de Jimmie VAUGHAN et Rory GALAGHER nous semblent plus attractives. Vieux Vaudeville des années 20, "Trouble In Mind" a été mitonné à toutes les sauces, du Hillbilly au Western Swing en passant par le Blues, le Jazz, le R&B, le Folk et le Rock. Même ARNO s’est attaqué au morceau dans une version attrayante. Freddie nous délivre une vraie démonstration de Slow Blues. La lenteur du tempo entrecoupé par de brèves touches de guitare prend une dimension crépusculaire, renforcée par la présence de chœurs churchy qui pour une fois ont toute leur raison d’être. Grand classique de Jimmy REED, "You Don’t Have To Go" a longtemps représenté le parfait prototype d’un Swamp mou du genou via une rythmique aussi squelettique que fainéante. Le titre a donné lieu à plusieurs pièces valant le détour (Barbara LYNN, Otis RUSH ou Jimmy JOHNSON). Freddie nous offre ici une version musclée et décalée, mais on se demande pourquoi le piano, l’orgue et les chœurs ne parviennent pas à freiner leurs ardeurs. My Feeling For The Blues, album publié par Cotillion en 1970, proposait une version bien plus groovy avec Jerry Jemmott et Cornell Dupree bien plus inspirés que Leon Russell. Sentiment identique avec "Yonder Wall", standard d’Elmore James inspiré par "Get Ready To Get Your Man" du pianiste James Clark, titre figurant lui aussi sur l’album précité.
Leon Russell offre "Boogie Man", un boogie qui pourrait passer pour anecdotique s’il ne tranchait pas avec le reste de l’album. Mais attention, on est loin de l’intensité terrienne de John Lee HOOKER, George THOROGOOD ou Hound Dog Taylor. "Help Me Through The Day" se déguste comme un Blues lent. Il est simplement dommage qu’un mellotron (non mentionné sur la pochette dorsale) vienne polluer l’ambiance, rappelant les grands orchestres de type Ray Conniff, Caravelli ou Franck Pourcel.

Si le jeu de guitare de Freddie King reste inimitable, ce troisième et dernier jet souffre d’une production pas totalement impliquée ou en déphasage. Leon Russell se révèle trop présent et son ancrage Rock Pop s’avère un frein difficile à stopper. Aucune compo pour apporter du neuf et des titres pris un peu au petit bonheur la chance plantent un décor de plus en plus restrictif. Cependant, tout n’est pas à jeter ici, le jeu de guitare et le chant restent des marques de fabrique plus ou moins indémodables. Souvent imité, Freddie KING demeure malgré lui un grand influenceur dans le domaine de la guitare.


*Titre homonyme à ceux de Fats Domino, Eddie Cochran et Bryan Adams.

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   LE KINGBEE

 
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- Freddie King (chant, guitare)
- Don Preston (guitare)
- Carl Radle (basse)
- Chuck Blackwell (batterie)
- Jim Keltner (batterie)
- Leon Russell (piano, mellotron)
- Révérend Patrick Henderson (orgue, piano)


1. Woman Across The River
2. Hootchie Cootchie Man
3. Danger Zone
4. Boogie Man
5. Leave My Woman Alone
6. Just A Little Bit
7. Yonder Wall
8. Help Me Through The Day
9. I'm Ready
10. Trouble In Mind
11. You Don't Have To Go



             



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