L'envie d'un album de duos, du jour au lendemain, peut étonner quand il s'agit de Sheryl CROW. Certes, en live, elle s'était déjà faite remarquer avec ses 'friends' durant son époque phare au tournant du XXème siècle. Mais si elle avait alors quelque chose à prouver, l'effort se trouvait solidement inscrit dans une vague de succès non-stop. Threads, lui, débarque au milieu de nulle part, quelques mois à peine avant le grand chambardement mondial.

Pour cet album à la pochette qui pour une fois ne la montre guère, Sheryl CROW s'est entourée de Jeff Trott, sans surprise, mais aussi de Steve Jordan, dieu de la batterie américaine, et à eux trois ils produisent l'album. Le premier extrait voulu par le label Big Machine Records est un duo fictif en compagnie de Johnny CASH, dont les matières sonores ont continué de sortir post-mortem, comme l'album American VI: Ain't No Grave (2010).

Sur ce dernier, parmi les reprises, il y avait cette fameuse "Redemption Day", empruntée à Sheryl et son album éponyme (1996), et donc c'est ici une manière de retourner l'hommage, en gardant l'aspect sombre, ample et beau, mais en troquant la guitare du feu Man in Black contre le piano. Et, en dépit de l'intégrité, reste un choix étrange de single en proue. Surtout quand, dans l'album, avant elle, on a "Beware of Darkness", empruntée à feu George HARRISON (BEATLES), avec l'émouvante Brandi CARLILE en deuxième voix, Eric CLAPTON à la guitare et STING aux choeurs, vraiment superbe et plus évidente. Après "Redemption Day", on a la soft et sympathique "Cross Creek Road", à laquelle participe Neil YOUNG.

On devrait se sentir contenté, avec un tel alignement de noms prestigieux, sans jamais deux fois avec les mêmes, sachant que tous les titres sont plus ou moins concernés. Le problème est que cet album est long, les quatre-vingts minutes du CD sont pratiquement remplies et que la qualité fluctue inévitablement, surtout dans la deuxième partie. SANTANA, Sheryl CROW, même combat, à ceci près que cette dernière ne va pas se fourvoyer dans les styles abordés les plus antinomiques possibles, sous couvert du 'vivre-ensemble' et du 'ça fait bien'.

Allez, si, on tique un peu sur l'intro très rap old-school de "Story of Everything" qui nous balance le flow de Carlton Ridenhour alias Chuck D., pilier du genre au sein de PUBLIC ENEMY. Mais entre la prestation de la belle cinquantenaire, la sienne à lui aussi quand même, la guitare funky et cette petite perle d'Andra DAY, il n'y a vraiment pas à se plaindre, bien que l'exercice soit assez isolé. Et le morceau se retient aussi bien que l'introductif et routier "Prove You Wrong", livré par trois enchanteresses puisque CROW est rejointe par son amie Stevie NICKS (FLEETWOOD MAC) et Maren MORRIS, étoile montante de la pop-country.

Le duo avec Chris STAPLETON, "Tell Me When It's Over", est sensuel, dynamique et joli ; "The Worst" des ROLLING STONES en compagnie de Keith Richards passe crème ; idem pour "Live Wire", country cool encore en trio féérique au féminin, avec Mavis STAPLES et Bonnie RAITT, leurs timbres complémentaires s'y mêlant à point. Peut-être est-ce là un déséquilibre de Threads, à voir tant de force du même sexe en début d'album, pour ensuite trouver moins de charme au blues rugueux "Border Lord" de et avec Kris KRISTOFFERSON, au rock'n'roll dylanien "Everything Is Broken" avec Jason ISBELL, ou encore "Lonely Alone", sucrerie en compagnie du vétéran Willie NELSON.

Même si les interventions tardives de Vince GILL "For the Sake of Love", Joe WALSH des EAGLES ("Still the Good Old Days") ainsi que James TAYLOR ("Flying Blind") ne sont pas dénuées de qualité, celle-ci se retrouve décidément bien mieux en fin de parcours grâce aux duos comprenant Emmylou HARRIS ("Nobody's Perfect", ballade crépusculaire) et la plus jeune St. VINCENT ("Wouldn't Want to Be Like You"). Le constat est sans appel : Threads est trop long, trop chargé, même si les reprises sont en nombre moindre que les titres écrits pour l'occasion et parfois avec les invités. Dire qu'il a, par son prestige, failli mettre un terme à la carrière discographique de CROW !

Note réelle : 2,75