Encore un virage ! Sheryl CROW tient pour Be Myself (2017) à s'éloigner du son country de Feels Like Home (2013), malgré un succès indéniable (aux U.S.A. surtout, et en Grande-Bretagne). La faute à des tournées de concerts radio dédiées au genre dont les horaires tardifs l'empêchaient d'élever ses deux fils adoptifs. Elle aurait tout de même pu poursuivre dans la country, mais non, ce dixième album marque un retour aux sources, le sien à elle.

Il n'est pas incongru de voir en Be Myself un rapprochement de la musique qu'elle proposait vingt ans plus tôt. Outre Jeff Trott, son collaborateur le plus proche déjà à cette époque et demeuré fidèle, elle fait de nouveau appel à Tchad Blake, ingé son/producteur qui l'avait aussi aidée à façonner précisément les albums Sheryl Crow (1996) et The Globe Sessions (1998), réputés comme ses meilleurs, et qu'on n'avait pas revu depuis. Petite jubilation d'avance, entretenue par la pochette, avec une chanteuse de 55 ans bien consciente de ses charmes.

Néanmoins, le single mis en exergue, unique qui plus est, se nomme "Halfway There", et on ne peut s'empêcher de penser, que cela vienne de l'artiste ou (et ça, l'habitude est plus répandue) de la maison de disques, qu'il s'agit du pire choix qui pouvait se faire. Pas tout à fait ancré dans les années 90 ; on s'approche davantage de la soul à la 100 Miles From Memphis, cuivres à l'appui, pour un résultat correct, à peine entêtant. Quelques guitares rugueuses, un refrain à trois temps pour le côté aventureux, mais rien de plus.

Certes, "Alone in the Dark" et son trucker rock/de routier à la CROW, offrant une excellente entrée en matière et lumineuse, quelques éléments dreamy en prime, ne donnent également qu'une facette de l'album et pas la plus représentative. De l'autre côté, "Rest of Me" semble échappé des sessions Feels Like Home, avec sa légèreté country sautillante et son refrain crème, pour le coup mémorable, et que dire du très chouette piano bastringue ?

La soul façon Sheryl, à grand renfort de guitares et de congas, est mieux représentée par les mélodies fines du tandem "Be Myself"/"Roller Skate", le refrain plus adolescent de la seconde et le joli tapis de choeurs féminins par les bien connues soeurs McCRARY de la première. Voilà des titres représentatifs, idem des ballades "Long Way Back" et "Love Will Save the Day", ponctuées de slides rugueuses, solo de Synthaxe, nappes de Mellotron, bref, tout pour plaire, comme vingt années auparavant.

La palme revient néanmoins à "Heartbeat Away", pas seulement parce qu'il est le plus torturé, CROW y retrouvant sa plus grande nervosité vocale ; c'est vraiment la perle cachée d'un album méconnu de Sheryl, de rockeuse simplement ! Et de l'autre côté, la lumière ne fait pas mal aux yeux avec des titres moins flashy que "Alone in the Dark", tel le solaire "Strangers Again", mais il y a mieux encore.

La dernière partie de l'album est particulièrement réussie, avec le diamant noir mais aussi "Woo Woo", entre western planant et ton girly non superficiel, avec choeurs féminins enchanteurs encore. Et que dire de ce "Grow Up" adorable de pulsation égayante (basse-batterie-tambourin), relâché et dreamy voire épique, franchement craquant ? Assurément, même sans la reconnaissance méritée (l'album marque difficilement à sa sortie, n'atteignant le top 10 que de la Nouvelle Zélande), Sheryl CROW peut être fière de son labeur.