Sheryl CROW est-elle capable de produire un album de Noël sans se forcer ? La réponse est évidente, à l'écoute de Home For Christmas dont la sortie s'est faite en trois temps, d'abord en 2008 puis 2010 dans certaines chaînes de magasins et, enfin, seulement l'année suivante (celle que l'on garde par commodité), en temps que vrai disque à l'internationale. Il s'agit d'un disque mineur à tous les niveaux donc, y compris à celui de son succès, inférieur globalement à celui que chacun des 'vrais' (Detours, 100 Miles From Memphis) obtient dès sa première semaine d'existence.

On pourrait facilement l'oublier, cet album de Noël de Sheryl CROW. Il n'est ni mauvais, ni bon, il est plutôt fade. Pourtant, l'ensemble est soigné par les habituels producteurs dont Bill Bottrell, Doug Sax pour le mastering. Un produit joli mais où l'on sent que l'intéressée n'est pas elle-même. D'ailleurs, on ne la reconnaît point, pratiquement jamais. Elle chante bien, mais avec une certaine droiture, avec sensualité parfois mais pas la sienne. Le standard "I'll Be Home for Christmas" de Bing CROSBY est particulièrement criant de vérité, à ce propos, et puis cet effort au milieu des cordes, c'est si gentillet !

Pourtant, elle s'offre quelques petits plaisirs, comme faire venir Booker T. JONES dont l'orgue a si bien marqué les années 60 en chaleur ("Green Onions" !), certes ayant laissé sa fougue loin derrière mais tout en se faisant remarquer, sans parler de Mic Gillette, des mythiques TOWER OF POWER pour des arrangements cuivres fournis ici. On note d'ailleurs que le saxophoniste Johnnie Bamont intègre par la suite Huey LEWIS & The NEWS pour leurs albums les plus récents. Mais à part deux ou trois soli de guitare, de trompette ou de sax baryton, rien de flamboyant ici.

On écoute sans guère plus de religiosité cet ensemble de morceaux plus ou moins attendus ; même si, entre l'indéboulonnable "White Christmas" (qui se rapproche ici de la version 'dansante' des DRIFTERS, réentendue dans le film Home Alone/Maman J'ai Raté l'Avion en 1990) et le traditionnel negro-spiritual "Go Tell It On the Mountain" qui n'a que peu dépassé les frontières américaines, il y a un gouffre, c'est vrai. Les cordes chargent trop l'ensemble, les cuivres tendent plus vers ce que veut vraiment CROW dans ses nouvelles productions et sur scène (Memphis).

Sheryl toute en maîtrise sur "O Holy Night" se laisse écouter sans passion réelle, Madame nous gratifie d'une composition originale avec "There Is a Star That Shines Tonight", seulement agréable. On y croit à de rares moments, comme le très beau début piano-voix de "Hello My Friend, Hello" par Bill Bottrell, présent ou non selon l'édition que l'on possède, tout comme "Long Road Home", ajout de la dernière, rare incursion dans le son country cher à CROW.

"All Though the Night" a beau jouer la carte de la suavité la plus entière, voire solaire, avec sa contrebasse, ses balais-batterie, son orgue et sa guitare voluptueux, difficile d'y revenir avec conviction. Idem du shuffle lent bien balancé de "Blue Christmas", hommage modeste à Elvis, ainsi que le ton exotique de "Merry Christmas Baby". Seule "The Bells of St. Mary's", vieille chanson anglaise, peut trouver une certaine grâce chez l'auditeur, merci à une progression appropriée à un slow étoilé, en belle conjugaison avec l'élégance de Sheryl.