Il est des lives qui sont des moments magiques durant lesquels un groupe se transcende, se met en danger, rentre au contact d’un public jusque-là cantonné à une écoute solitaire et fragmentée. Moment encore où s’expriment alternativement le talent, l’énergie, la fureur des musiciens qui doivent répondre à l’attente exaltée de leurs fans. Bref le live comme expérience collective et fusionnelle.
Et il est des lives qui tombent complètement à plat.

Le Haarp de Muse appartient clairement à cette seconde catégorie et j’en suis le premier désolé parce que je ne suis pas loin de vouer un véritable culte aux trois Anglais.
Alors voilà ce qui se passe quand on écoute Haarp : d’abord un certain enthousiasme (« yahoo un pur live de Muse dans mon lecteur CD »), puis un certain étonnement (« mais… c’est quand même super propre comme son et ça manque un peu de pêche »), enfin une désillusion abyssale (« m’enfin c’est pas un live ce truc ! »). Je m’explique.
Ce qui se remarque en effet de prime abord c’est l’exécution quasi parfaite des morceaux, tellement parfaite en fait que cela pourrait passer pour un album studio ou une compilation des derniers tubes du groupe. Heureusement que quelques cris de fans rappellent de temps en temps que l’on est en plein stade de Wembley sinon on pourrait carrément imaginer les gars tranquilles dans l’atmosphère confinée d’une session d’enregistrement.
L’ambiance de ce live est glacée, il n’y a pas le « feu » sur scène ou alors peut-être fallait-il y être ; en tous les cas, ce n’est pas les quelques rares adresses de Matthew Bellamy au public qui vont faire monter la sauce. Chacun joue dans son coin sa petite partie pépère et hop vas-y que je te sors ça vite fait pour faire patienter jusqu’au prochain album.
Plus grave, les petits rajouts qui font la saveur des lives, quand le groupe tente une impro calculée voyant le public ultra-réceptif, n’apportent ici rien au morceau, voire le plombe direct (exemple typique « Map of the problematique », le solo de fin pèse des tonnes et ne se comprend pas vraiment par rapport à sa structure musicale).
Il y a aussi un vrai problème quant au choix des titres. On a tous remarqué que depuis son explosion, Muse a carrément ralenti les tempos, adouci les grattes jusqu’à les rendre sirupeuses et fait basculer la plupart de ses compos vers un easy listening très perturbant pour des fans séduits par le fort côté rock indé de Showbiz ou les incroyables orchestrations d’Origine of Symmetry (de loin leur meilleur album). Et là ce qui domine, ce sont les titres les plus (j’ose le mot qui fâche) « commerciaux » du groupe ; heureusement que « Map of the problematique », « New Born » ou « Micro cuts » viennent nous rappeler que Muse est un très grand groupe. A noter d’ailleurs que ces titres-là, contrairement à des morceaux comme « Invincible » ou « Starlight », déclenchent l’hystérie du public, tout n’est donc pas perdu…

Un live raté ?
Pas si simple : Muse est un groupe rare, à la musique inspirée et élevée et il paraît difficile de passer tout simplement à côté d’une de ses productions. Mais disons qu’avec ce live plein de bons sentiments, duquel pas un cheveu ne dépasse, où tout est à sa place, vous tenez le cadeau idéal pour la fête des mères : un CD pas dérangeant, à offrir avec un beau nœud rose.