On l’a bien rabâché tel un élève modèle ayant parfaitement appris sa leçon. Recraché tel quel, déduit de toutes ses impuretés afin de ne garder que la moëlle de ce qui semblait être la base ou plutôt essentiel aux yeux de certains.

De A Rush of Blood to the Head, le quidam moyen peu rompu à l’exercice de l’album ne connaît finalement pas grand-chose, seulement ce que les ondes ont bien voulu lui octroyer. L’onctueux "Clocks". "The Scientist" encore solidement immergé dans le piano rock – quelle appellation stupide ! "In My Place" tentant timidement de tourner définitivement la page de la britpop sur un ton aigre-doux. Et ensuite ? Le réel intérêt d’un album ne réside-t-il pas dans la qualité de ses titres moins connus et parfois qualifiés ainsi de mineurs ?

Nous étions quelque part entre Savoie et Vercors avec mon pote, à la recherche d’une randonnée fraîche, semi-perdus au cœur d’un réseau routier et humain labyrinthique matérialisé par ce carré encastré dans un petit coin de l’écran automobile central. J’écoutais ainsi à nouveau en quelques jours ce live de COLDPLAY labellisé 2003. Malgré le bruit du moteur, on a pu entendre distinctement le cri de ce mec anonyme, judicieusement lancé quelques secondes avant que la batterie ne démarre. Quand bien même il l’aurait prémédité, ça n’aurait pu être si parfait. Deux secondes warholiennes amplement méritées.

Idéal au lancement, le diamant "Politik", monument de paranoïa capturant pleinement l’ambiance post-11/9, la chanson ayant été écrite justement en ce funeste jour et enregistrée deux jours après. Ouvre les yeux chante MARTIN. C’est terminé, tu ne vivras sans doute plus de ton vivant un événement d’une telle amplitude dramatique. Il s’agit peut-être bien de la chanson ultime de COLDPLAY quand on y réfléchit sérieusement. Chaque fois que je l’écoute, je pense à une cathédrale, je ne sais trop pour quelle obscure raison. S’ensuit la mécanique métronomiquement huilée d’horloger structurant "God Put a Smile Upon Your Face". Le désabusement reste palpable. Puis le très beau titre éponyme paye son tribut au progressif et surtout à PINK FLOYD, finalement plus réfléchi que son lexique vengeur et impulsif ne veut le laisser penser.

C’est à cet instant que ça m’est venu, tel un flash. En fait, A Rush of Blood to the Head ce n’est autre que le Dark Side of the Moon de son époque. Une même pochette emblématique dominée par un élément central, une couleur de fond unique toutefois antinomique. Pas tout à fait un concept-album au sens propre du terme, mais un fil conducteur global et surtout une correspondance qu’on pourrait faire entre certains morceaux, qu’elle soit musicale, thématique, syntaxique voire en simples termes d’aura. "The Scientist" pour "Us and Them", "Clocks" pour… "Time", "Money" pour "In My Place", "Any Colour You Like" pour "Green Eyes", "Brain Damage" pour "A Rush of Blood to the Head" etc. En outre, nul doute que le second album des COLDPLAY, du haut de sa production léchée, saurait se montrer tout aussi efficace en vu d’établir le réglage optimal de sa chaîne hi-fi !

Pour revenir à ce live, l’apport de chansons inhabituelles est le point à souligner : la très rock face B "One I Love" convoquant presque OASIS, la ballade acoustique "See You Soon" tirée de l’E.P The Blue Room ou la totalement inédite "Moses", hommage de MARTIN à son épouse d’alors Gwyneth Paltrow et prénom qui sera celui de leur second enfant, un morceau diablement aventureux au refrain d’enfer. Ces pièces permettent en outre d’alléger l’état d’esprit global, bien plus positiviste. Après tout, tout n’est pas perdu comme l’indique le jazzy longue-durée refermant Parachutes également présent ici.

Sinon, aucune surprise supplémentaire, on retrouve un programme relativement harmonisé entre les meilleurs morceaux de Parachutes et A Rush of Blood to the Head, un matériel pris sur le vif de deux concerts à Sydney en juillet 2003. Même s’il figure sur le DVD, dommage d’avoir éliminé "Trouble" de la version CD, la chanson reste emblématique du groupe londonien et son humeur n’aurait pas détonné dans ce début d’album très caractéristique.

Un live de bonne facture, permettant de comparer le COLDPLAY label 2003 et l’actuel si jamais on se prête au jeu des sept différences.

3.5/5 arrondi à 4.