Acheté, il me semble, chez Jaffi, le dsquaire totalement punk d’Avignon, qui nous a tous dépucelés en matière de rock underground déviant au début des années 90, le volume 1 de ces compilations a été réalisé en août 90, période du grunge qui voit pas mal de groupes de ce style comme NIRVANA ou SOUNDGARDEN se réclamer de ce combo d'Akron.
Toutes ces démos ont été réalisées entre avril 74 et décembre 77, chronologiquement entre le protopunk des NEW YORK DOLLS et la geste chaotique des SEX PISTOLS.
Au vu des dates, les membres des deux fratries (les frères Casale plus les frères Mothersbough constituant le groupe) appartiennent à la scène proto punk. En même temps, ils sont aussi proto post punk ( !) vu les sons novateurs que cette bande de scientifiques barges émettait. A mettre d'ailleurs en parallèlle avec l’activisme dadaïste de PERE UBU, qui joue à peu près avec les mêmes codes.
Ajoutez un humour absurde, une science-fiction faussement naïve, un surréalisme post-atomique et le fameux concept de la 'dévolution' démontrant que notre espèce dégénère complètement (avouons-le, l’ère actuelle des guerres ad eternam, du réchauffement climatique et de l’intelligence artificielle l’illustrerait amplement).
Musicalement, à partir d’une substance rétro, ces échappés d’un laboratoire fou engendrèrent bizarrement une matière futuriste.
DEVO, qui fascina durant les Seventies autant BOWIE que KRATWERK ou BRIAN ENO, a inventé ainsi le rétro-futurisme dans le rock, annonçant les futurs travaux de WIRE, de TALKING HEADS mais aussi ultérieurement le JON SPENCER BLUES EXPLOSION, les MELVINS, les frenchy DOUBLE NELSON ou ADD N TO X. Grosso modo, faire du neuf avec du vieux.

Tout le matériel proposé dans cette compil de haute volée de ces démos produites en quatre pistes, est ainsi une sorte d’ébauche des futurs morceaux branques que l’on retrouve surtout dans les premiers albums des hommes en combinaison du futur.
Dès "Mechanical Man", évoquant la fusion homme/machine prôné à la même époque par les teutons cités plus haut, le ton est donné : débuts planants, vocaux robotiques à la fois amusants et menaçants, guitares inventant une sorte de rockab non identifié, notes de synthé obsédantes. Vocaux robotiques que l’on retrouve dans "Auto Modown" marqué par une rythmique saccadée que parasitent des bruits, une basse ondulante, un synthé créant une atmosphère typée science-fiction des années 50 qui semble littéralement s’évaporer.
L’ambiance S-F 50’s se retrouve aussi dans "Space Girl Blues", "Social Fools", préfigurant les futurs travaux de GARY NUMAN, et dans "Jocko Homo".
Les chansons de DEVO de cette période mutante au niveau musical mélangent un climat à la fois fendard ("Soo Bawls" avec ses passages louchant vers les RESIDENTS sans la facette expérimentale, les chœurs de "Stop Look and Listen") et inquiétant (le flippant synthé de "Golden Energy", les rires terrifiants d’"Ono").
On dirait des enfants s’amusant avec des sons interdits (l’enfantin refrain we are Devo de "Jocko Homo") dont les mélodies se rapprocheraient de celles des Anglais de SPARK, le côté glitter en moins.
Quatre hymnes sont présents dans cette compilation. D’abord la reprise du hit sixties des ROLLING STONES, "(I Can't Get No) Satisfaction". Cover saccadée avec un chant 'je m’en foutiste" qui choqua le père Keith RICHARDS. "Jocko Homo" avec son refrain évoqué quelques lignes auparavant répété jusqu’à plus soif.
Evidemment, le très controversé "Mongoloid", présent sur le premier disque, caractérisé par un refrain imparable, un synthé 'space' et sa rythmique 'kraut-rock'. Et enfin, "Buttered Beauties"
dénotant avec ses guitares en plomb fondu (Tiens, une reprise heavy metal serait parfaite).

On remarque que DEVO flirte lourdement avec le proto-punk 'high energy' contemporain. "I'm a Potato" et "Uglatto" sonnent comme du NEW YORK DOLLS/RAMONES mais en version cybernétique.
Cette compilation annonce une carrière hors-normes.