Pierre Zalkazanov dit ZANOV est l’un des outsiders de la musique électronique française des années 1970 et après. Sa rencontre avec Serge Lafosse, passionné de synthétiseur, dans un magasin de musique londonien l’orienta vers ce domaine. Pierre Zalkazanov revend sa guitare pour acquérir un synthétiseur semi-modulaire EMS VCS3, un magnétophone multi-pistes et une table de mixage puis s’attèle à l’enregistrement d’un album. Le producteur Alain Gross lui décrocha un contrat avec Polydor qui publia le premier album Green Ray en décembre 1976. Serge Lafosse a deux ans plus tard publié son propre album Secret sous le nom Serge RAMSèS, toujours sous la houlette du producteur Alain Gross.

Bien que ZANOV n’utilise comme synthétiseur que l’EMS VCS3 sur Green Ray, il parvient à en tirer des sonorités à la fois limpides et riches, grâce à des effets qui permettent une meilleure spatialisation. Le résultat est une Ambient très spartiate qui ne sonne pas du tout cheap, plus abstraite que la musique de TANGERINE DREAM ou CLUSTER plus prompts aux mélanges organiques et électroniques, et plus dépouillée encore que celle de Klaus SCHULZE. La contrepartie d’un tel minimalisme est un certain manque d’accroche; en l’occurrence, la longue plage de vingt minutes "Running Beyond A Dream" accuse quelques longueurs malgré une stéréo réussie et de jolies variations de texture.

Cela dit, l’ensemble est beau et plutôt crédible vis-à-vis de la scène électronique berlinoise. Chacun des trois morceaux est porté par une ou deux séquences et diverses variations: l’effet tremplin de la transpose du morceau-titre, les différences de filtrage, l’entrelac des séquences et des mélodies libres. Le lead passé sous effet Delay de "Running Beyond A Dream" prend quelquefois des allures de sirène spatiale. Les sonorités sont mieux épurées que sur l’album Éclipse (1977) de Didier BOCQUET, malgré un style similaire. Tout cela est bien entendu plus réussi que la majorité des albums de Nik Pascal RAICEVIČ.

La réédition CD de 2016 ajoute un quatrième morceau, "Zephyr", avec une fine séquence et le même acabit de mélodies pentatoniques improvisées que sur "Running Beyond A Dream", prolongeant le voyage sur une note légère. En somme, Green Ray est un bon album à mettre au compte des débuts de la scène électronique française. Green Ray se fit plutôt discret sur le marché mais fut encensé par la presse musicale française ce qui encouragea ZANOV à enregistrer un deuxième album dans la foulée avec davantage de matériel.

3 ½ sur 5