Quelle belle surprise de voir le nom d'Evie SANDS et son beau sourire sur une pochette, si peu de temps (trois ans) après un autre effort (l'E.P Shine for Me en 2017), autrement dit le délai le plus court de sa carrière, hors-singles des années 60/70 naturellement ! Visuellement, d'emblée, ce n'est que du bonheur : la dame a 74 ans, n'en paraît rien, et ces ailes d'(arch)ange sur fond bleu lui vont mieux qu'à quiconque dans son métier.

La période de sortie n'est pas la meilleure, nul besoin de préciser pourquoi - la forme clip Zoom de l'extrait "Beautiful Lie", façon 'live commun en distanciel', très vite nous le rappelle. Mais, dans son genre, Evie, elle, est restée la meilleure et bien qu'en l'ayant connue encore plus tardivement, on se dit que sa présence n'était qu'essentielle quand le monde n'allait pas fort, même si, une fois de plus, seuls les fidèles Américains, éventuellement Anglais, le lui ont rendu comme de juste.

Elle a auprès d'elle bien sûr son mari batteur Eric Vesper ainsi que l'ingé son Steve Refling déjà employé pour l'E.P de 2017 et avec qui elle mixe l'ensemble, mais aussi deux autres musiciens, à savoir Jason Berk, guitariste relativement connu sur la côte californienne, ainsi que Teresa Cowles, bassiste du ADAM MARSLAND'S CHAOS BAND. Evie SANDS avait collaboré avec ces derniers en 2007 pour un album-hommage aux chansons de Carl et Dennis Wilson (The BEACH BOYS).

Get Out of Your Own Way (2020) est enregistré entre la west-coast losangélienne et Manille, Philippines, où vit le couple Cowles-Marsland. Petit groupe donc, sans claviers (ou presque) mais aussi, avec peu voire pas de guitare acoustique, l'album puise pas mal dans le son southern-rock avec un peu de spécificité californienne (à commencer par la chanson-titre) tout en n'oubliant pas le passé de Evie marqué par la blue-eyed soul.

De la part d'une artiste qui a atteint un âge des plus respectables sans se laisser avaler comme beaucoup d'autres, un morceau d'ouverture comme "The Truth is in Disguise" donne à la fois de quoi ravir et pleurer de belle émotion. Un titre trucker/router musclé, fort de cette voix magique toujours tout ce qu'il y a de plus féminine et jeune, de guitares brillantes (avec un solo héroïque), de splendides choeurs massifs sur le refrain (et cette fin !), mais aussi, pour pimenter le tout, de petits breaks 'impairs' qui ne font qu'enrichir l'ensemble et nous charmer.

La suite, sans être aussi impressionnante, est tout ce que l'on peut attendre d'Evie en qualité, hors des carcans/calibrages pop habituels. Il y a d'abord "If You Give Up", premier single, ballade folk gracieuse aux guitares électriques où sont conviés Willie Aron (TRANSLATOR) ainsi que la chanteuse Isobel Campbell (des BELLE & SEBASTIAN, avec qui Evie avait également collaboré), de quoi ajouter du coup un fond de claviers et de choeurs supplémentaires.

Si Evie déploie toujours autant son écriture sentimentale et positive, "Beautiful Lie" est encore une occasion de prouver, musicalement, combien elle est solaire, avec un petit rythme chaloupé des plus appréciables, sans oublier le petit pont binaire en rupture, autre délice caché de l'album. Même constat pour "Don't Look Back, Don't Look Down" un peu plus mordante, jouissant d'une efficacté en diable, choeurs et claps de mains à l'appui, batterie-tambourin et voix de tête d'Evie.

On l'adore ensuite sur "Lovin' You Enough", très touchante dans une mélancolie toute construite, avec son rythme en siciliennes (non pas celle de Gabriel FAURE), puis sur le rock carré de "Another Night", le blues mid-tempo/basse en croches "Don't Hold Back" avec son solo de guitare exaltant bien que court.

Tout aussi convaincantes demeurent la chanson-titre, la ballade brumeuse "My Darkest Days" avec Evie hantée, "Scandal du Jour" aux quelques résonances électro et à l'accent savoureux, même pour juste trois mots en français, l'adorable "Leap of Faith" où une guitare saturée crée la surprise, enfin "After Tonight" au piano pour changer, blue-eyed soul à l'ancienne mais dans le son actuel, dotée d'une formidable progression, pleinement maîtrisée. Classe folle, toujours, à jamais. Vraiment, vraiment chère Evie, faites que ce ne soit pas le dernier !