S'il y a bien un album de Noël à ne pas sous-estimer en chanson française, c'est celui de Mireille MATHIEU. D'abord parce que, malgré sa kyrielle d'oeuvres y compris pour sa seule langue natale, elle n'en a fait qu'un dans le style et ce n'est pas un mince exploit – l'album de 2004, sous un titre plus court ainsi qu'une pochette largement différente, est en fait une réédition de celui de 1968.

Ce dernier est une initiative de la chanteuse elle-même, qui souhaitait profiter de sa nouvelle popularité pour immortaliser son moment préféré de l'année, à savoir Noël en famille dans la maison avignonnaise, sa très nombreuse famille comprenant papa, maman et pas moins de treize frères et soeurs (dont elle est l'aînée). Le voilà donc, son 'merveilleux petit monde' posant avec elle, sur la pochette originale.

Pour le reste, on peut remercier Paul MAURIAT, le collègue de Marseille qui soutient la chanteuse depuis ses débuts, pour aider franchement à la direction artistique, savoir comment intégrer les membres de la famille qui souhaitant chanter avec Mireille, dans le but là aussi de respecter la tradition familiale. Les chefs d'orchestre se succédant au cours de l'opus, pour le moins réputés, sont Christian Gaubert, François Rauber et Christian Chevallier.

Cela commence avec "Noël Blanc", francisation du "White Christmas" d'Irving BERLIN chanté par Bing CROSBY en 1942, devenu le single le plus vendu de tous les temps, ici adapté par l'acteur-humoriste Francis Blanche en 1949 et chanté presque simultanément la même année par Jacqueline FRANÇOIS d'un côté, Jean SABLON de l'autre, alors que Tino ROSSI (repreneur futur) truste déjà les sommets. La version de Mireille n'est pas en reste, avec ses cordes en douceur et son petit rythme folk, la dame qui évoque une nostalgie forte mais judicieuse, avec une chorale en vocalises discrets.

Et le plaisir demeure à peu près durant tout l'album, grâce à la finesse d'une chanteuse qui tient à ses roulements de 'r', mais sait se positionner modestement aux côtés des membres de sa famille. D'abord, son père Roger, à la belle voix grave, sur "Minuit, Chrétiens", aussi connu comme "La Marseillaise Religieuse", cantique originaire du Gard rhodanien proche d'Avignon (la ville de Roquemaure), adapté outre-Manche et Atlantique en "O Holy Night". En somme, une des plus grandes merveilles de la Natalité en chanson, à digne présence ici.

Ensuite, une chanson sur deux voit oeuvrer Mireille en duo avec l'un de ses frères et soeurs. Puisqu'on est en Provence, "La Cambo Mi Faou" ('la jambe me fait mal') n'est pas en reste, niveau importance et bonne interprétation, avec son rythme médiéval aux percussions et flûtes en sus des cordes. On a du plaisir à entendre Mireille canter ainsi, même si hélas, ce sera chose rare là aussi, par rapport à l'allemand, ou même l'espagnol comme c'est le cas plus loin sur "Rin-Rin", et fort bien également.

La légèreté de ce titre s'accorde bien avec celle de "Vive le Vent", autre adaptation textuelle de Francis Blanche ("Jingle Bells"), avec un orchestre qui tire un peu vers le swing, sans trop s'écarter de l'élégance globale. Pour "Petit Papa Noël", Mireille – avec son frère – n'a pas laissé une trace aussi indélébile que Tino ROSSI, le 'cousin' corse, et c'est dommage tant la réussite est de mise, niveau chant(s), chorale, glockenspiel et hautbois.

Loin du Sud, dans la banlieue proche de Paris, la ville d'Aubervilliers a été choisie par Bernard Dimey et le compositeur Francis LAI, dans le but 'd'abolir' la pauvreté en un jour de sacre et de générosité. Mireille survolant un tapis hivernal y est aussi à l'aise que sur les mieux connus "Douce Nuit", "Mon Beau Sapin"...

L'autre morceau le plus connoté 'catho' avec "Minuit, Chrétiens", à savoir "Il Est Né le Divin Enfant", offre un autre duo fraternel réussi d'autant plus que, pour les besoins d'adaptation face à une différence de niveau de chant, il est joué 'rubato' (avec des changements de vitesses). Enfin, "Les Enfants de Noël", berceuse écrite par Roger Berthier sur une musique du bon ami Paul MAURIAT, donne à Mireille des airs de bonne fée à la Mary POPPINS ("Stay Awake"), tandis qu'avec "Les Anges Dans Nos Campagnes", elle confirme si besoin était, son rang de chanteuse populaire parmi les plus remarquables. Et comme avec tout l'ensemble de cet album, en fait !