Un chiffre rond, même s'il sert de repère particulier, n'est toujours qu'un chiffre. 1970 est une année comme les autres, mais pour beaucoup, elle est un tournant. Les BEATLES, pour commencer, tirent leur révérence tandis que d'autres, GENESIS (pour ne citer que le plus grand groupe du monde), émergent. Mais il y en a d'autres, de nombreux, qui n'ont même pas franchi le seuil, dont le nom reste irrémédiablement lié aux années 60. Et puis il y a les personnalités à l'image de Mireille MATHIEU, du genre 'comme une lettre à la poste'.

Cette année-là, où elle ne chantait pas pour la première fois - ni la dernière d'ailleurs -, elle publie son album Mireille... Mireille au titre qui évoque des pensées folles extérieures (un fan ou un amoureux), pour une fois que ce ne sont pas les siennes à elle. En cette période, niveau auteurs-compositeurs, il y a toujours du Francis LAI et du Christian Gaubert, mais aussi un 'petit nouveau' dans la chanson, auparavant romancier et scénariste nommé Jean-Loup Dabadie (mieux connu auprès de Serge REGGIANI, Michel POLNAREFF et REGINE), ainsi qu'un tandem plus que prometteur de la décennie qui s'entame, Olivier Toussaint et Paul de Senneville.

Toutefois, cet album contient deux tubes, en France comme en Russie (encore actuellement, repris souvent dans leurs versions des télé-crochets, même The Voice Kids, c'est dire !) qui sont "Donne Ton Coeur, Donne Ta Vie" et "Pardonne-Moi Ce Caprice d'Enfant". Il s'agit là en revanche du fruit d'une collaboration forte avec Patricia CARLI, ancienne chanteuse reconvertie dans l'écriture et d'ailleurs accompagnée ici parfois, sur d'autres titres, de son mari producteur, Léo Missir.

Autant "Pardonne-Moi Ce Caprice d'Enfant" demeure tout ce qu'il y a de plus attendu de la part de Mireille MATHIEU dans ses années-là, sans la classe de l'album précédent, dans l'excès direct aussi bien vocal que musical à peine le disque commencé (malgré des couplets nostalgiques plus doux), autant pour "Donne Ton Coeur, Donne Ta Vie", ce succès est plus mérité. Un texte marqué par les années hippie, sans aucun doute (''donne ton coeur, donne ta vie, tu trouveras la vérité, tu connaîtras la joie d'aimer'), entêtant et joliment servi par un rythme ternaire jazzy, avec des sons de sitar, clavecin et autres jolies trouvailles !

Même avec tout l'amour et la compassion du monde, le deuxième titre de l'album orienté gospel fait en revanche à nouveau preuve de lourdeur, et on regrette également qu'il y en ait tant sur le festif "Pour Toi", qui partait vraiment d'une bonne idée. Les nouveaux façonneurs de chansons font ce qu'ils peuvent pour amener Mireille vers d'autres idées. Heureusement, à d'autres moments, cela fonctionne, ne serait-ce que "Un Jour Viendra" dont la superbe instrumentation est signée Francis LAI, pleine de finesse, à laquelle notre chanteuse s'adapte avec le plus grand soin.

Alors que "La Princesse et l'Amour" manque à sa tâche de rejoindre les grands classiques des contes, on trouve deux très beaux piano-voix bien que chargés en dramaturgie, "Pour T'empêcher de Me Dire Adieu" et "C'est la Vie Mais Je T'aime" à l'ambiance un peu plus théâtrale, un aspect global qui semble avoir bien manqué à la chanteuse durant ses années 60 et qu'on espère voir développé ! De même que les petites sucreries du genre "Châteaux de Sable", adorable avec ses guitares méditerranéennes, ses paroles simples et métaphoriques ('Les châteaux de sable meurent avec l'été, la chanson des vagues je dois l'oublier').

Si la carte bal populaire-joue contre joue ("Je Ne Sais Pas, Ne Sais Plus") vient tempérer tout cela dans un autre sens, quand bien même on comprend que cela touche un public féminin large, on peut lui préférer sans mal "L'Homme Qui Sera Mon Homme", où l'alliance Dabadie/Toussaint/De Senneville atteint un vrai petit sommet de création pop baroque, où Mireille se fait aventureuse, haletante. Il y a de plus "Toi Que Je Désire" aussitôt après sur le même ton, cette fois grâce au couple CARLI/Missir, une montée de cuivres en règle suivant bien ce qui se fait au micro. Album inégal donc, mais sympathique, et qui laisse augurer du meilleur pour la suite !

Note réelle : 3,5