Publié comme les précédents et les suivants par Barclay, l'album Sweet Souvenirs of Mireille Mathieu existe certes pour ravir un public conquis par la chanteuse avignonnaise, mais également pour sa spécificité et qui contient d'ailleurs le principal de son intérêt, quand bien même ce dernier tient d'abord de la voix, toujours.

Cela concerne quatre chansons certes, mais remarquables parce qu'en anglais. Les musiques sont de Les Reed, également chef d'orchestre qu'on a connu auprès de Claude FRANÇOIS, Michèle TORR, etc, tandis que les paroles elles pour la plupart, sont signées Johnny WORTH, le Grec natif de Londres qui a connu pas mal de succès en tant qu'auteur dans ces années-là outre-Manche.

Sans trop de surprise, ces morceaux, "Sometimes", "Sweet Souvenirs of Stefan", "Now That You're Gone" et "Au Revoir Daniel" (malgré son refrain en français, oui), usent de la langue de Shakespeare avec un accent franchouillard, mais plutôt joli de la part de Mireille. De toute manière, comme disait un regretté prof d'écoute, elle pourrait chanter "Quand Madelon..." que ça donnerait un chef d'oeuvre.

Sans aller jusque-là, miss MATHIEU a l'un des accents connotés les plus charmants, grâce à la puissance de sa voix, sa maîtrise, même si les titres s'écoutent plus gentiment qu'autre chose. Le discours est toujours le même, à l'image de tout l'album d'ailleurs : les 'sweet souvenirs' sont fort empreints de nostalgie post-rupture, et la chanteuse invite toujours l'homme concerné, bon ou salaud, à revenir vers elle, ou veut se donner à lui...

Avec les orchestres variété de Les Reed, Christian Gaubert, et naturellement l'ami marseillais Paul Mauriat (qui a arrangé l'album de Noël), cordes et chorale sont toujours bien présents quoique jamais envahissants. Toutefois, on regrette qu'à côté, il y ait si belle tournure de fin d'années 60, rythmique pop-rock avec basse au médiator, pour des ambiances feutrées qui au final ne durent pas trop (l'intro de "Sweet Souvenirs of Stefan" !), ou qu'un refrain plus 'léger' vient tempérer.

Mauriat n'arrange que deux chansons ici, deux réussites : "Alors Ne Tarde Pas" (avec ses belles paroles empreintes de féminité, sa mélodie éperdue et ses cloches tubulaires) ainsi qu'une adaptation de la star américaine Johnnie RAY (un des précurseurs du rock'n'roll), "Une Rose au Coeur de l'Hiver", très bien ficelée, au piano aquatique et où les cuivres ressortent un peu.

Composition de Francis LAI sur l'écriture de Jacques Plante, "C'est à Mayerling" est une ballade valsée que l'on peut entendre dans le film sorti en 1967 du même nom de Terence Young, grand réalisateur britannique des premiers James Bond qui fait alors de l'historique avec un casting superbe (Catherine Deneuve, Omar Sharif, Ava Gardner, James Mason). Quel talent, quand on sait que son effort suivant est le dramatique L'Arbre de Noël !

Chanson pas des plus mémorables toutefois, à laquelle on peut lui préférer l'autre collaboration de Plante cette fois indirecte avec l'Italien Domenico MODUGNO, monsieur "Volare/Nel Blu di Pinto di Blu", star en son pays et qui a d'ailleurs fait sa forte tête deux ans plus tôt, pendant l'Eurovision 66 au Luxembourg. "Meraviglioso", pleine de légèreté dolce vita, est parfaitement taillée pour Mireille, caressante aussi bien dans une langue que dans l'autre. Rien d'étonnant à ce qu'elle se soit ensuite tant 'mondialisée' !

Les autres titres ne font pas date, même si la reprise d'Engelbert HUMPERDINCK, "Les Bicyclettes de Belsize" n'est pas dénuée de charme avec sa mélodie fine. Le passage d'un pop brumeuse à un refrain variété finit par être redondant hélas. "Tous les Violons de Vienne", autre signature Plante/LAI, débute par des guitares très méditerranéennes mais impose bien sa marque chaleureuse même pour une chanson très orientée 'feuilles d'automne'. À la fois, Mireille s'enferme trop dans un même thème, et à la fois elle se disperse trop dans l'inspiration musicale. La suite !