TIFFANY subit le contrecoup du passage aux 90's par un troisième album, New Inside, bien peu marquant. Pendant de longues années, elle va devoir lutter pour tenter d'être reconnue à nouveau, ne serait-ce que dans sa chère Los Angeles, mais ce sera hélas pour un résultat contre-productif. Elle ne retrouvera jamais le succès de son début de carrière, mais gardera toujours une base de fans solide et suffisamment large pour lui permettre de continuer à se produire. Ce quatrième album, Dreams Never Die, est néanmoins le dernier avant l'an 2000.

Fin 1993, TIFFANY vient de souffler ses vingt-deux bougies mais même avec davantage de maturité et de vécu, l'indépendance auto-proclamée n'est plus le maître mot. Après l'insuccès de son troisième album, elle revient tout mignonnement vers celui qui l'a propulsée au rang de star : le producteur George Tobin. À l'écoute de l'album, il peut s'agir d'une parenthèse dorée, vu l'ambiance sereine qui habite les douze chansons nouvelles.

Dreams Never Die est effectivement un petit bijou de sentimentalisme californien en musique, qui ne fait que s'assortir pour le mieux avec une voix que l'on adore. Le souci, double cette fois, c'est que l'accueil chaleureux n'est guère non plus au rendez-vous, en tout cas pas aux Etats-Unis où l'album n'est nullement sorti au départ, alors que l'Asie du Sud-Est s'en gargarise. TIFFANY est ainsi toujours autant plébiscitée au Japon, en Corée du Sud, à Taïwan et aux Philippines, mais il s'agit de son ultime effort pour MCA Records ; cela se comprend pour plein de raisons.

En outre, la rupture nouvelle avec George Tobin est vite consommée, TIFFANY n'ayant pas vraiment apprécié de découvrir que certains de ses titres mis en boîte et publiés avaient déjà été enregistrés, peu avant elle, par le groupe pop PC QUEST (avec la chanteuse Kim Whikpey, remarquable elle aussi) sur leur deuxième et dernier album Directions (1992). Or, ce sont aussi des poulains de Tobin, le guitariste Drew Nichols figure d'ailleurs en invité ici, tout comme les frères Chad et Steve Petree dans les chœurs ; à moins que le producteur n'ait fait que retaper un peu les bandes et y ajouter TIFFANY ? Or donc, notre rousse adorée retrouve sa fierté en décidant de s'effacer à nouveau. Elle donne quelques shows au Hilton hôtel de Las Vegas, tourne de l'autre côté du Pacifique et se met en sommeil durablement, sur le plan discographique du moins.

C'est vraiment regrettable quand on y pense, car l'un des deux seuls points négatif sur le plan musical de ce Dreams Never Die, c'est de faire oublier le passé (moins de cinq années plutôt tôt, certes) de TIFFANY et notamment son côté un peu rockeuse. Encore que, pas complètement, vu le nombre de solos de guitare électrique qu'on entend sur cet opus (dont ceux de Keith Rowland qui, deux ans plus tard, intègre durablement le monolithe CHICAGO), pratiquement un par chanson, alors qu'il s'agit majoritairement de ballades, de son soft et sucré, de production 90's bon marché...

Les synthés, pianos digitaux et boîtes à rythmes sont très en avant, comme sur les deux premiers albums, mais il y a paradoxalement un meilleur dosage de tout, et des chansons vraiment jolies. Des deux chansons 'reprises' sans le vouloir à PC QUEST, "Can't You See" arrive à sonner moins superficiel que d'autres slows r'n'b de l'époque, avec un grain de voix bien maîtrisé et gardant même ses guitares 'twin' jumelles d'origine, tandis que "If Love is Blind", elle, sonne moins ballade folk acoustique, faisant intervenir un chant plus nerveux, des percussions programmées... Les deux sont excellentes et leurs clips montrent que TIFFANY aurait pu incarner une superbe Scarlett O'Hara.

La réverbération des eighties est toujours là, une forme d'élégance aussi. Les claviers et programmations (John Duarte a repris son rôle) sont déjà mieux empreints de la nouvelle décennie. De plus, on a perdu presque totalement le côté rockeuse (saxophone compris, supplanté constamment par la guitare ici), mais il y a toujours un peu de MADONNA et de la dance, comme en témoigne "Loneliness", curieusement placée en fin d'album. Un chouette titre d'ailleurs avec des percussions latinas éclatantes et TIFFANY qui surclasse pas mal de ses pairs, mais un peu isolé. Il y a cependant "Ruthless" qu'on valide aussi, cool et rigolo avec son rock funky, sa grosse basse etc.

Le reste de l'album n'a rien de révolutionnaire, il habille simplement cette voix chaude avec beauté, avec une impression de sérénité pour une artiste plus accomplie (on note dans le livret, une photo gros plan encore plus belle que celle choisie pour la pochette). "Kiss You All Over" est un pop-rock groovy représentatif de la production 'maison' très 90's, mais sans rap cette fois et le tout reste bien ficelé, avec quelque chose d'épique et pas que dans le solo de guitare. "That One Blue Candle" est un slow débordant de tendresse mais avec une six-cordes rageuse en fond tout de même.

On note un certain goût pour le combo claves et effet de cymbale charleston/'charley' récurrent dans les percussions au cours de l'album, de quoi donner une dynamique des plus sympas aux côtés des nappes et autres. Et TIFFANY remet un peu de ses intonations nasales avec délice sur "Dreams Never Die" à la mélodie caressante, au rythme chaloupé en retenue. De même, on retrouve un brin l'émule de Stevie NICKS sur "We're the Truth" où un synthé soufflant suit le chant, splendide, et sur "Kiss the Ground", classe tel un nouveau "Hold an Old Friend's Hand", batterie libre incluse.

Que dire de "Sam Loves Joann" et de sa country californienne exotique, avec la pedal-steel fine de Doug Livingston ? En voilà un hit manqué, idem pour "Kiss the Ground" ; seul "If Love is Blind" sorti en Asie du Sud-Est fait parler de lui ainsi. Enfin, pour couronner le tout, "Almost in Love", ballade héroïque notable à son tour, fait intervenir quelques touches blues sur le refrain (jolis cuivres-synthés doux), que "These Arms of Mine" se charge ensuite de développer intelligemment, grâce à un piano conducteur, des cordes d'ordinateur passant de l'archet au pizzicato. C'est follement savoureux et une fois de plus, TIFFANY prouve en grande interprète combien ce registre lui va, combien elle peut faire monter la sauce...

De quoi regretter cet échec amèrement, mais au moins, l'album ne s'est pas complètement perdu puisque Tobin le réédite en 2005 avec un nouvel artwork, y ajoutant pas moins de six morceaux 'perdus' eux, laissés de côté pour les deux premiers albums en 1987-88 (toujours pas de "No Rules", un de ses meilleurs, hélas). Si on a aimé entendre TIFFANY chanter du blues (avec un son pop) voire du jazz smooth en 1993, on a "Angel Baby", "Are You Lonely Tonight" et "You Can't Break a Broken Heart", histoire de faire durer le plaisir, avec des arrangements un peu plus 'cheap' et une voix plus ado sans qu'on remarque trop la différence. Pour le côté 'mordant', on a "I Ain't Gonna Eat Out My Heart Anymore", reprise exemplaire des YOUNG RASCALS et le sax de Richard Elliot, qui nous manquait, peut être entendu généreusement sur "Are You Lonely Tonight".