Coïncidence, second degré ou souvenir ému d’une triomphale tournée en terre nordique ?

Comme l’indique son logo fruité, Strawberry est bel et bien une chaîne d’hôtels, connue sous le nom de 'Nordic Choice' avant un nouveau baptême en 2023, proposant une offre de près de 240 établissements en Scandinavie et aux pays baltes. Après avoir, selon les dires à prendre avec beaucoup de pincettes, rapportés postérieurement par certains curieux chargés de substances diverses et variées, inauguré ce fameux hôtel de luxe à la suite d’un légendaire concert au terminal 3 de l’aéroport Charles De Gaulle, parfait lever de rideau des années 2000 toutes proches, les UNDERWORLD auraient-ils ainsi récidivé, nous présentant la chambre où ils auraient élu domicile seulement une poignée de minutes matinales afin de se reposer après un exigeant spectacle ?

En tout état de cause, quel bric-à-brac sur ce meuble ! Des jouets, volatiles figés, photos bizarres, objets finalement assez hétéroclites, créant une scène éclairée via des lumières fluo se dégageant de luminaires recouverts de mouchoirs. Peut-être quelque cadeau envoyé par des fanatiques du groupe britannique. Le livret communique des informations plutôt détaillées concernant ces étranges bibelots, les référençant méthodiquement bien que les descriptions faisant office de légende restent souvent énigmatiques. Cependant, on devine sans trop se tromper que le portrait au crayon est celui du compositeur CHOSTAKOVITCH.

Strawberry Hotel est le onzième disque d’UNDERWORLD, le premier en cinq ans depuis la série d’expérimentations titrée Drift Series en 2019, projet complexe ayant malgré tout accouché en ultime instance d’un album au format traditionnel, tel un échantillon représentatif du plan qu’avaient en tête Karl HYDE et Rick SMITH, désormais seuls maîtres à bord. Comme souvent avec UNDERWORLD, le recueil proposé est généreux, sans doute même un peu trop, au vu des dernières chansons plus poussives telles l’expérimentation ratée "Ottavia", un "Gene Pool" à la frontière de la niaiserie ou la conclusion acoustique inutile "Stick Man Test".

Doté d’une production solide et de transitions fluides, Strawberry Hotel produit quinze pistes pour près de soixante-dix minutes de musique toutefois plutôt convaincante. Le gospel électronique "Black Poppies" déclarant sa flamme à une partenaire mystérieuse lance les débats avant d’embrayer sur un "Denver Luna" intense aux accents indigènes. La pièce, via ses montagnes russes ainsi que son ample durée, s’avère parfaitement en phase avec les transes auxquelles le groupe nous a habitués jadis. Rappelée un peu plus loin a cappella, elle inclut en outre les paroles cryptiques typiques de leur écriture (automatique) telle cette jeune femme à la confiture de fraises initialement convoquée comme pourrait le faire le réceptionniste d’un anonyme hôtel.

Le premier single nauséeux "And the Colour Red", "Sweet Lands Experience" ou les relativement plus introvertis "Lewis in Pomona" et "King of Haarlem" sont également hautement recommandables, mais ne peuvent se mesurer à l’incontestable climax du disque. "Hilo Sky" est un titre entrant directement au panthéon des meilleurs morceaux d’UNDERWORLD, ses guitares oscillant entre le tranchant d’une griffure profonde ou le déchirant sanglot nocturne, transcrivant une émotion palpable que les vocalises plaintives de HYDE ne font qu’accentuer.

Non, en effet, Strawberry Hotel ne saurait en aucune façon constituer une honte quelconque.